Projet de loi sur la "sécurité intérieure" ... et contre les pauvres25/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1786.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Projet de loi sur la "sécurité intérieure" ... et contre les pauvres

Le projet de loi sur la sécurité intérieure était présenté au conseil des ministres mercredi 23 octobre. Sous prétexte de mettre fin à ce qu'il appelle de façon quelque peu excessive, la " légitime exaspération " de la population, Sarkozy propose de renforcer les pouvoirs de la police.

Après les maisons de redressement pour les jeunes récalcitrants, voici sur la sellette les mendiants, les squatters, les gens du voyage, les prostituées et tous les marginaux que cette société d'injustices et de misère croissante engendre en permanence.

Les squatters comme les gens du voyage sont menacés de six mois de prison et 3 000 euros d'amende. Comme si c'était par plaisir, et non en désespoir de cause, que des familles vivant dans la rue squattent des logements vides, ou que les gens du voyage s'installent dans un coin perdu de banlieue, sous un périphérique et sur un terrain dépotoir, sans eau ni bien sûr aucune autre commodité.

Par un texte de loi datant de 1990, les communes sont tenues de réaliser des aires d'accueil, équipées correctement, pour les gens du voyage. Aujourd'hui, soit plus de deux ans après, il manque encore plus de 25 000 places d'accueil, contraignant de fait les gens du voyage à s'installer où ils peuvent et sans autorisation. Mais Sarkozy n'entend pas sanctionner les communes ne respectant pas la loi...

De même, la loi inscrit dans ses textes, et depuis très longtemps, l'accès à un logement comme un droit. La réquisition des logements vacants est également prévue par la loi. Or les propriétaires font à peu près ce qu'ils veulent, et trouver un logement correct pour sa famille lorsqu'on n'a que de petits revenus ou lorsqu'on est au chômage est à peu près impossible. Quand en plus on est une famille émigrée, avec des enfants, sans même parler des sans-papiers, cela devient totalement impossible (y compris bien souvent dans les HLM). Mais Sarkozy n'entend pas s'en prendre aux marchands de sommeil qui exploitent ce dénuement, ni aux propriétaires qui laissent délibérément se dégrader les logements en les maintenant vides. Non, il entend poursuivre ceux qui n'ont d'autre solution pour ne pas vivre dans la rue que de trouver un abri précaire et insalubre, dans des locaux qui ne méritent certainement pas le nom de logements.

Quant aux mendiants, SDF et autres marginalisés, ils se trouvent eux aussi menacés de représailles, de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 7 500 euros s'ils sont considérés comme " agressifs " dans leur comportement, même s'il n'y a aucun délit effectif.

En fait, derrière ce projet, Sarkozy réinstaure le délit de pauvreté. Il veut donner les pleins pouvoirs à la police, qui elle-même ne s'embarrasse pas toujours de la loi dans ses interventions, en utilisant le sentiment d'insécurité de la population pour désigner des boucs émissaires sans rien changer à la situation. Car on ne voit pas comment la sécurité de tous serait renforcée parce que les gens du voyage, les familles qui squattent, les mendiants et autres SDF seraient jetés en prison. On ne voit pas non plus comment la misère matérielle et morale, le dénuement parfois total, qui sont les sources principales de l'agressivité et de la violence que prétend combattre ici Sarkozy, pourraient reculer, ne serait-ce qu'un peu, grâce aux mesures annoncées.

Pour faire reculer l'insécurité, d'autres interventions seraient nécessaires, celles d'ailleurs que n'a pas faites le Parti Socialiste lorsqu'il était au gouvernement, fort d'une large majorité à l'Assemblée, un PS bien peu crédible aujourd'hui lorsqu'il proteste.

La suppression de postes dans tous les services publics, en particulier dans les transports en commun et dans les établissements scolaires, signifie par exemple des quais de gare déserts, dès la nuit tombée et des sorties d'écoles moins surveillées, c'est-à-dire des situations d'insécurité pour les voyageurs comme pour les enfants. Arrêter les plans sociaux et la suppression des milliers d'emplois qu'ils signifient, donner un coup d'arrêt à l'appauvrissement de milliers de familles ouvrières et à la montée de la misère, seraient les premières mesures à prendre pour lutter contre l'insécurité. Sarkozy le sait parfaitement d'ailleurs, mais son projet ne vise qu'à conforter son image d'homme fort en désignant les plus pauvres de cette société comme responsables de la montée de l'incivilité et de la violence. Ce n'est pas la " sécurité intérieure " qui risque de s'en trouver renforcée mais seulement l'arbitraire de la police contre les plus démunis.

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