Bush-Chirac, la guerre à double détente25/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1786.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Bush-Chirac, la guerre à double détente

Gros titre à la Une du Monde du 19 octobre : " Irak : Chirac fait reculer Bush ". Début d'article plus circonspect : " Si rien ne dit qu'elle a gagné la bataille contre la guerre, la France pourra au moins se prévaloir d'avoir remporté la bataille du paragraphe 10 ". Dans cette partie de poker menteur, lequel de Chirac ou de Bush a véritablement reculé ? Certainement pas celui que les cocoricos nous disent. Mais dans cette guerre, qui a quasiment déjà commencé puisque depuis août dernier, plus de 20 raids anglo-américains ont été organisés sur le sud de l'Irak, tout se passe comme si Bush Junior ne se sentait pas dans une situation aussi confortable que Bush Senior il a y plus de 10 ans, quand face aux pays arabes entre autres, il eut le prétexte de l'invasion du Koweit par l'Irak pour préparer la première " guerre du Golfe ". Bush junior aimerait aujourd'hui n'être pas seul dans l'aventure, dont il ne sait pas forcément jusqu'où elle ira. Y rallier non seulement la Grande-Bretagne et Israël, mais d'autres grandes puissances, alliées et néanmoins concurrentes. Surtout si Bush a l'intention, comme le rapportent des médias de réaliser une " invasion terrestre " de l'Irak pour renverser Saddam Hussein et, à défaut de lui trouver un remplaçant, instaurer un " protectorat " ou " zone sous mandat " militaire américain. Une telle entreprise nécessite quelques appuis. C'est pourquoi, malgré les bulletins de victoire d'une partie de la presse française, c'est davantage Chirac que Bush qui a reculé. Chirac a accepté l'idée d'une guerre, par déclenchement à deux temps. Reste à savoir si Bush s'y lancera, quand et comment.

Ce qui est connu, ce sont les motivations de l'impérialisme américain. A savoir le pétrole. L'Irak détient 11 % des réserves mondiales, arrive au deuxième rang après l'Arabie Saoudite, sans compter ses possibilités inexplorées et largement convoitées. Certes, les États-Unis ont leurs propres besoins à satisfaire. Mais ils veulent surtout s'assurer le contrôle, par leurs " majors ", des ressources énergétiques planétaires, en particulier de grands pays comme l'Inde, la Chine, le Japon et, si possible, la Russie. Et il leur faut contrebalancer la fiabilité limitée des faux frères princiers d'Arabie Saoudite, sur lesquels il leur aurait déjà fallu, avant septembre 2001, exercer des pressions féroces pour qu'ils ne cèdent pas une partie de leurs puits à Shell ou TotalFinaElf ! Avant les sanctions contre l'Irak, toutes les compagnies étaient en pourparlers pour négocier des droits d'exploitation des champs irakiens. Selon Le Monde, Total avait jeté son dévolu sur le plus important, Majnoon, situé sur la frontière iranienne. Elf (avant la fusion avec Total), sur un champ plus modeste. Thierry Desmarest, PdG de Total, affirme que rien n'a été signé, mais ce ne serait pas le cas de la Russie ni de la Chine. Toujours selon Le Monde, l'ancien directeur de la CIA et apôtre d'une action contre Saddam Hussein, aurait suggéré à l'administration américaine en substance : " Disons carrément à la France et à la Russie que nous les soutenons et que nous leur serons reconnaissants lorsque l'heure du partage aura sonné ". Grandes manoeuvres

Dans un contexte de récession économique mondiale, les grandes puissances rivalisent pour les sources énergétiques et autres matières premières. Les USA ne sont pas prêts à s'en laisser faucher par la France. Qui affirme néanmoins ses prétentions. D'où les " mots " entre Chirac et Bush. Mais aucune vertu pacifique là-dedans et Chirac n'a pas les moyens de s'opposer à Bush.

Dans le même temps, Chirac au nom de l'impérialisme français mène sa guerre directement en Côte d'Ivoire (sans avoir rien demandé à l'ONU) et aide un dictateur sanglant et xénophobe à organiser des massacres d'immigrés du Burkina Faso ou à raser des bidonvilles de pauvres d'Abidjan.

Croisade contre le terrorisme ? Croisade contre les dictatures ? La politique d'exploitation planétaire des impérialistes suscite colère et désespoir chez les opprimés et exploités et les pousse à se ranger, de gré ou de force, derrière des courants politiques terroristes ou des dictateurs qui sont pourtant parmi leurs pires ennemis. Mais Bush ou Chirac les en protégeraient ? Il faut garder en mémoire comment les Ben Laden, les Talibans d'Afghanistan ou les Saddam Hussein, pour ne pas parler des Laurent Gbagbo et autres, ont été dans le passé ou sont encore les bras armés des dirigeants impérialistes. Des Bush Junior ou Senior. Des Chirac ou des Mitterrand.

Peu à peu, ici et là, d'Irak à l'Afghanistan, en passant par l'ex-Yougoslavie ou une bonne partie de l'Afrique, sous prétexte de libération du peuple ou conjuration du terrorisme, des États sont désarticulés, démembrés mais nullement démocratisés. De nouvelles bases militaires sont semées. Ce qui s'accompagne chaque fois de davantage de misère et de désolation. Situations extrêmes qui ne sont pas néfastes à la surexploitation ! Ou à l'immigration pour la surexploitation ailleurs ! Même dans la riche Europe, ce sont les périodes de guerres et d'après-guerre qui ont permis aux trusts et banquiers d'imposer des conditions de travail et de vie très rentables pour le capital.

S'ils le veulent, en même temps qu'ils feront prévaloir leurs propres intérêts de classe contre les gouvernements et patronat, les travailleurs des pays riches ont les moyens de casser cette spirale infernale.

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