Pas de remède miracle, mais néanmoins une recette pour réussir11/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1784.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Pas de remède miracle, mais néanmoins une recette pour réussir

Jeudi dernier, presqu'un électricien ou gazier sur trois a fait le déplacement à Paris, à l'appel de l'ensemble des fédérations syndicales du secteur de l'énergie. Mouvement de forte intensité, dont la puissance n'a échappé à personne, surtout pas au gouvernement qui s'est déclaré " en phase " ! Voilà qui l'aiderait, a-t-il prétendu, à " défendre à Bruxelles les spécificités du service public français " ! De la blague ! Car le lendemain, les ministres acquiesçaient aux directives européennes qui correspondent aux voeux des capitalistes français d'éloigner un peu plus EDF-GDF du service public pour en faire un trust agressif sur le marché européen et mondial.

Cela dit, s'il était besoin de montrer que les travailleurs ont gardé leur réactivité, voilà qui est fait. A bons entendeurs, salut ! Et Raffarin et Cie, hantés par le spectre de la grève de 95, ont de quoi méditer. Les enseignants se mobilisent pour le 17 octobre. Les cheminots pour novembre. Y'a quelque chose sur le feu.

Il ne s'agit pourtant pas de laisser les grands chefs syndicaux faire leur petite cuisine sans contrôle. Et enfiler les " journées " comme des perles, pour seulement briller à Matignon ou autres lieux où se négocient soi-disant nos intérêts. Il faut que nous participions à ces journées avec la perspective de les transformer en étapes d'une mobilisation plus ambitieuse. Il faut que nous allions vers autre chose. Car face aux attaques redoublées et multiformes des patrons et du gouvernement, il n'y a une vie pour les travailleurs qu'au-delà de la routine des Thibault, Blondel ou Chérèque.

Manifester les uns après les autres ? Electriciens, puis profs, puis cheminots, etc ? Mais c'en est fini des corporations depuis 1789. Il faudrait enfin montrer clairement que travailleurs ou chômeurs, " actifs " ou retraités, du public ou du privé, embauchés ou précaires, nous avons des intérêts généraux communs. Admettons qu'il y ait besoin de journées " spécifiques " pour chauffer la marmite. Mais ensuite ? Il faut un plan pour une riposte d'ensemble. Mûrement envisagé et annoncé. C'est une condition nécessaire, si ce n'est suffisante, pour faire basculer le rapport de force en notre faveur. Si l'on en juge à la détermination des électriciens et gaziers, il y a des ressources énergétiques dans le monde du travail ! Ce 3 octobre aurait d'ailleurs été plus douloureux pour le gouvernement, si tous les cheminots, les postiers et d'autres avaient été invités, et pas seulement des délégations syndicales.

Nous ne sommes pas idiots. Nous savons bien que le sort du monde du travail est solidaire. Si Balladur, à l'époque, a réussi à introduire les 40 annuités pour la retraite dans le privé (que les ministres socialistes, verts et communistes du gouvernement Jospin ont maintenues !), cela a encouragé Juppé à attaquer les retraites du public. Et si Juppé a bu le bouillon en 1995, c'est parce que la grève des cheminots s'est étendue à tout le public. De même, nous savons bien que les dizaines de milliers de travailleurs qui sont aujourd'hui sous la menace d'un plan social chez Alcatel, Hewlett-Packard, Daewo, Aventis et des centaines de petites et moyennes entreprises, sans oublier les 85 % de licenciés qui le sont sans plan dit social, ne peuvent se défendre avec succès tout seuls. Ils ont besoin des autres ? de nous tous qui, si nous laissons faire ces licenciements aujourd'hui, tomberons à notre tour sous la menace demain. Tout est lié : et par exemple si nous laissons le gouvernement mener ses sales opérations militaires contre la population de Côte-d'Ivoire ou s'embarquer derrière les USA en Irak, nous le paierons n'en doutons pas, et peut-être pas seulement par l'augmentation de nos impôts.

Il faut donc absolument préparer les étapes de la contre-offensive générale pour un plan de revendications d'ensemble : les salaires (300 euros d'augmentation mensuelle pour tous), les retraites (retour à 37,5 annuités pour tous, maintien de tous les acquis), l'interdiction des licenciements, l'embauche massive dans des services publics, l'embauche de tous les précaires qui le veulent, la régularisation des travailleurs sans papiers.

Nous n'emporterons le morceau que si des journées d'action marquent un crescendo, jusqu'à la grève générale s'il le faut.

Editorial du 7 octobre 2002 des bulletins d'entreprise l'Etincelle édités par la Fraction

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