EDF-GDF : Après le succès du 3 octobre11/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1784.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

EDF-GDF : Après le succès du 3 octobre

Le 3 octobre, selon les chiffres même des directions d'EDF et de GDF, il y a eu 86 023 grévistes, sur un effectif réel de 113 826 agents (l'effectif théorique, avec les malades, RTT, etc., est plus élevé, avec 135 041 personnes). Cela représente donc de leur propre aveu 75,57 % de ceux qui auraient dû être présents ce jour-là, s'il n'y avait pas eu la grève.

À la manifestation centrale à Paris, les estimations varient de 40 000 (Préfecture de police) à plus de 60 000 selon la CGT : des salariés d'EDF-GDF, mais aussi un peu d'Air France et de quelques-uns d'autres secteurs. C'est considérable. La journée a été un incontestable succès et ressentie comme telle par tous. Ajoutons qu'il y a eu des baisses de la production du courant (de l'ordre de 30 % selon la CGT) et que si cela ne s'est pas vu, c'est parce que, dans ces cas-là, EDF importe de l'électricité de l'étranger, et aussi parce que certains membres du personnel ont été réquisitionnés, dans les centrales nucléaires en particulier (qui ont fait grève, elles, à 81,64 %).

Les salariés savent bien que cette affaire de menaces sur les retraites et d'ouverture du capital au secteur privé n'est pas finie, et que ni la direction ni le gouvernement ne renoncent à leurs projets. Ils savent qu'il leur faudra " remettre ça " à un moment ou à un autre. Mais pour le moment, face à une simple déclaration d'intention de Roussely, le président d'EDF, sans mesure concrète contre le personnel, ils ont riposté par une manifestation claire et ferme de refus. Et ils considèrent, en quelque sorte, qu'après le succès du 3 octobre, la direction doit se tenir pour avertie.

La direction ne renonce à rien

Le lendemain de la manifestation, interviewé sur RTL, Roussely a réaffirmé cependant qu'en ce qui concerne les retraites il n'était pas possible de continuer dans le système de financement actuel des retraites par EDF, garanti par le seul compte d'exploitation, c'est-à-dire les recettes de la société nationale. Le président d'EDF veut sortir les retraites du compte d'EDF (et de GDF) et faire une caisse à part, et c'est du financement de cette caisse qu'il discute. Donc, Roussely persiste et signe, et à vrai dire personne ne s'attendait à ce qu'il change de langage.

Mais l'offensive contre les salariés se mène aussi sur un autre terrain : la Direction Electricité Gaz Service (avec 74 000 agents), qui s'occupe de la distribution, est en passe d'être scindée, " démixée " (on sépare le gaz de l'électricité) et filialisée. Les filiales pourraient devenir des sociétés anonymes, et dans ce cadre est " évoquée " la possibilité d'ouvrir le capital de ces filiales. Ainsi tout en n'ouvrant pas, officiellement, le capital d'EDF, on détacherait d'EDF de gros morceaux qui, eux, seraient ouverts au privé. La direction en a d'ailleurs déjà discuté en septembre avec les organisations syndicales.

Quel est le jeu syndical ?

Officiellement, les directions syndicales veulent " pérenniser " le régime de retraite. Pour répondre aux critiques sur ce terme ambigu, la CGT répond que, pour elle, " pérenniser veut dire rendre durable le régime actuel ". Dans ce cas, pourquoi ne pas revendiquer le maintien du système actuel, un point c'est tout ? Il y a là anguille sous roche, puisque par exemple on peut lire dans un tract de la CGT parisienne : " Le gouvernement vient d'indiquer aux fédérations syndicales sa volonté de pérenniser, garantir et élargir le financement par tous les opérateurs, de notre régime particulier de retraite. Nous devons rester vigilants pour que cette déclaration se traduise dans les faits... " Mais parler " d'élargir le financement par tous les opérateurs " des retraites, c'est renoncer au système actuel, exclusivement financé par EDF et GDF. Et la fédération CGT précise : " Nous proposons de mettre en débat une contribution sur l'acheminement du transport et de la distribution destiné à garantir le financement du régime (...) Notre proposition vise à ce que le coût du régime soit partagé par l'ensemble des opérateurs électriques et gaziers, y compris les importateurs et les fournisseurs autorisés sur le territoire français. " En clair, cela signifie que la CGT propose que EDF et tous les utilisateurs du réseau, puisqu'il est ouvert à la concurrence et le sera de plus en plus, soient soumis à une taxe, laquelle servira à financer les retraites. Ce qui revient bel et bien à réclamer une caisse de retraite, et donc à en dégager EDF et GDF. Roussely ne peut qu'applaudir à un tel projet.

Ainsi la CGT, avec des formules alambiquées, affecte un langage radical vis-à-vis du personnel (" Il faut rendre durable le régime actuel ") et discute avec la direction sur un tout autre terrain.

Dans le cours même de la manifestation du 3 octobre, dans un tract de la CGT, un " communiqué fédéral " se félicitait que le gouvernement appelle à " des négociations en ce sens d'ici trois mois ". Mais négocier sur quoi exactement ? Et pourquoi négocier ? Puisque les salariés d'EDF-GDF veulent conserver leur système de retraite, un point c'est tout !

Comme on le voit, rien n'est réglé. Les salariés ont intérêt à rester vigilants, contre leurs directions, contre le gouvernement, mais aussi contre ceux qui prétendent négocier en leur nom, sans leur demander vraiment leur avis.

Mais justement la journée du 3 octobre a montré qu'ils avaient le nombre et la force.

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