Allemagne : SPD et Verts reconduits d'une courte tête27/09/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/09/une1782.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : SPD et Verts reconduits d'une courte tête

En Allemagne, c'est de justesse que la coalition SPD -Verts a été reconduite au gouvernement. A l'issue des élections législatives du 22 septembre, elle ne disposera que de 306 sièges au Bundestag... alors qu'il en faut 302 pour avoir une majorité. Pour les politiciens en lutte pour des postes gouvernementaux, c'est l'essentiel.

Pour les électeurs en général, et les travailleurs en particulier, il en va autrement. Alors que les élections de 1998, marquées par la victoire de la coalition sociaux-démocrates-Verts, après les seize longues années du pouvoir sans partage du chrétien-démocrate Helmut Kohl, avaient suscité un certain intérêt - et aussi des illusions -, celles de 2002 sont apparues à beaucoup comme dénuées de véritable enjeu. Ce scrutin a été marqué par une progression de 3,1 points de l'abstention, qui remonte à son niveau de 1994. Ce phénomène est nettement plus sensible dans les Länder (les régions) de l'Est, touchés par un chômage dramatique, où l'abstention progresse plus fortement (entre 5 % et 8 %).

Le Parti Social-Démocrate (SPD) du chancelier sortant Gerhard Schröder accuse un recul de 2,4 %. Un résultat qui ne fait que confirmer tous les scrutins qui ont eu lieu depuis 1998, qui traduisaient déjà un certain discrédit du SPD. Ce sont les Verts qui bénéficient de ce recul, progressant de 1,9 % à 8,6 %. La presse française présente ce résultat comme " une percée ". En fait, les Verts ont déjà obtenu un résultat comparable en 1987 (8,3 %). Et on ne peut pas dire que leur résultat soit le fruit du succès de leurs idées. Au contraire. Depuis leur entrée au gouvernement il y a quatre ans, les Verts se sont assis sur ce qui faisait leur credo : la lutte antinucléaire et le pacifisme. La fin du nucléaire civil a été proclamée... d'ici une vingtaine d'années. D'ici là, les centrales nucléaires en activité seront de toute façon devenues obsolètes. Quant à l'armée allemande, c'est sous la direction du SPD et des Verts qu'elle a été engagée, pour la première fois depuis 1945, dans des opérations extérieures, en ex-Yougoslavie d'abord puis en Afghanistan l'an passé. En réalité, si les Verts ont réussi quelque chose, c'est à apparaître comme alignés sur des politiques " responsables " pratiquées alternativement par la droite puis la gauche, et tout à fait aptes à travailler leur " image ", en l'occurrence celle de leur tête de file, Joschka Fischer.

La droite, de son côté, améliore son score, sans retrouver ceux qu'elle réalisait du temps d'Helmut Kohl. Elle profite bien sûr du discrédit du SPD au pouvoir, mais a aussi fait le plein de ses voix en flattant la partie la plus réactionnaire de l'électorat. Son candidat, Edmund Stoiber, s'était déjà fait connaître par ses prises de position contre l'introduction de l'euro et contre la mise en place de l'équivalent allemand du Pacs. Il a mis en avant, lors de la dernière semaine de campagne, tout un discours sécuritaire et anti-immigration. On a ainsi pu voir son second, Günther Beckstein, qui est ministre de l'Intérieur de Bavière, présenter un " concept de lutte contre l'immigration "... quelques semaines seulement après avoir promis la suppression du visa pour les Turcs qui veulent rendre visite à leur famille en Allemagne ! Toute cette démagogie n'a, finalement, pas permis à la CDU-CSU de l'emporter et personne ne s'en plaindra.

Enfin le PDS, ce parti héritier de l'ancien parti stalinien est-allemand, recule de 5,1 à 4 %, perdant son groupe parlementaire (il ne conserve que deux députés dans des circonscriptions populaires de Berlin-Est). Depuis la réunification allemande et la suppression de millions d'emplois à l'Est, le vote pour le PDS avait permis à une fraction de la population d'exprimer son mécontentement. Mais il a utilisé ce crédit pour se faire accepter par l'appareil politique bourgeois traditionnel. Il y est peu ou prou parvenu et a été admis à participer, avec le SPD, à des gouvernements régionaux (en Mecklembourg-Poméranie occidentale d'abord et, depuis un an, à Berlin). Par sa présence dans ces gouvernements, il s'est fait le complice d'une politique d'austérité, cautionnant des coupes claires dans les budgets sociaux et les services publics, en particulier à Berlin. Il l'a sans doute payé.

Nombre de ses électeurs ont également été choqués par le fait que son porte-parole le plus connu, l'avocat Gregor Gysi, ait reconnu, cet été, avoir utilisé des " bonus aériens " accumulés lors de voyages en tant que député (et donc payés par le Parlement)... pour s'offrir des voyages privés. C'était sans doute peu de chose par rapport aux scandales dans lesquels sont impliqués nombre de politiciens de la CDU ou du SPD. Mais, pour un parti qui prétendait se faire la voix des plus démunis, cela a eu du mal à passer. Résultat : dans l'est de l'Allemagne, le PDS recule aux législatives, de 21,5 % en moyenne, à 16 % des voix. Et il chute de 8 % en Mecklembourg-Poméranie occidentale, où avaient également lieu des élections régionales.

Quant à l'extrême gauche, encore plus que lors des législatives précédentes, ce fut la grande absente du scrutin, hormis dans quelques rares circonscriptions. Le contexte politique ne lui est certes guère favorable. Mais il faut bien constater que les groupes les plus importants, qui auraient eu les forces de présenter des listes au moins à l'échelle de quelques Länder (et ainsi de s'adresser à des millions de salariés), y ont renoncé.

Ces élections ne pouvaient donc même pas permettre d'exprimer le point de vue des travailleurs conscients. Reste que maintenant le patronat et le gouvernement préparent, chacun de leur côté, une nouvelle série d'attaques, avec de nombreux plans de licenciements, comme chez Siemens ou Babcok-Borsig, et avec un plan visant à s'en prendre aux droits des chômeurs, et à leur faire accepter n'importe quel emploi, même le plus mal payé.

Cette situation exigerait une riposte de l'ensemble du monde du travail. Les syndicats n'organiseront certes rien contre un gouvernement social-démocrate (la dernière journée de grève générale date de 1948 !). Mais il n'est pas dit que le mouvement ouvrier accepte indéfiniment de subir ces attaques l'arme au pied. On l'a vu, il y a cinq ans, lorsque les mineurs de la Ruhr et de la Sarre ont bouleversé les plans syndicaux et envahi les rues de Bonn pour obtenir de meilleures conditions de fermeture de mines. Plus récemment, lors de la grève du bâtiment du printemps dernier, des équipes de travailleurs combatifs ont pris l'initiative d'aller au-delà des gentils débrayages programmés par la direction syndicale, en circulant de chantier en chantier pour entraîner les autres dans la grève. En effet, ce n'est qu'en renouant avec les méthodes de la lutte de classe que les travailleurs pourraient s'opposer aux attaques qui s'annoncent.

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