Puy-de-Dôme : L'amiante en procès20/09/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/09/une1781.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Puy-de-Dôme : L'amiante en procès

Amisol, Everitube : des noms sinistres d'usines maintenant fermées où l'amiante a tué des dizaines de travailleurs. Des centaines d'autres vivent, eux, avec une santé compromise. Après des années de procédure pour faire reconnaître des maladies professionnelles, et malgré la condamnation formelle des patrons pour " faute inexcusable ", aucune sanction n'a été prise. Jusqu'ici, sauf pour un cas, un ouvrier décédé, aucune indemnité n'a été versée ! Quelques dizaines de travailleurs seulement ont reçu 1 400 euros (9 000 F) à titre d'invalidité. Mais des plaintes de plus en plus nombreuses sont en attente.

A Saint-Eloy-les-Mines, à mi-chemin entre Montluçon et Clermont-Ferrand, l'usine Everitube, appartenant au groupe Saint-Gobain, a été ouverte en 1972 avec des subventions de la municipalité, du Conseil général et des HBA (Les Houillères du Bassin d'Auvergne) qui venaient de fermer leurs mines.

Ainsi, des mineurs se sont reconvertis en ouvriers d'usine. Mais ce qu'ils ne pouvaient pas prévoir, c'est qu'après les risques de silicose, ils allaient être victimes de l'asbestose.

Dans cette usine on fabriquait des tuyaux et des plaques en amiante-ciment, comme chez Eternit. " Les conditions d'hygiène et de sécurité y étaient déplorables " selon les termes même du jugement de la cour d'appel de Riom. On ne se voyait pas à quelques mètres tellement il y avait de poussière. L'amiante arrivait à l'usine en sacs de jute parfois percés et on le prenait à pleines mains. Les fines poussières et les fibres pénétraient partout : nez, gorge, peau.

L'inquiétude des ouvriers d'Everitube a augmenté avec l'un des premiers cas reconnus de cancer de la plèvre. Leur camarade a souffert deux années avant que sa mort ne survienne en 1996. Sa famille a porté plainte pour faire reconnaître ce décès comme dû à une maladie professionnelle. La lenteur de la procédure et les recours multiples de la direction ont fait traîner l'affaire. Ce n'est qu'en 2000 que les tribunaux ont accordé 275 000 euros (1,8 million de francs) à sa veuve et à ses enfants.

Depuis, Everitube a été fermée. Des dizaines de plaintes ont été déposées. Mais neuf dossiers seulement ont été à ce jour jugés et reconnus comme maladie professionnelle. Pour ceux-là la retraite sera accordée de façon anticipée selon le barème suivant : pour trois années de travail, une année gagnée. Ce qui revient à admettre qu'à 50 ans, on peut partir en retraite à taux plein... à condition qu'à cet âge les travailleurs tiennent encore le coup.

Amisol : l'usine de mort

L'entreprise était située dans Clermont-Ferrand même. Plusieurs centaines de salariés, dont une majorité de femmes, y fabriquaient de la literie ou des vêtements de... protection.

Comme à Everitube on y utilisait l'amiante à mains nues, sans masque. Il y en avait partout : au sol, sur les murs, en pendentif au-dessus des têtes. Le CHS n'intervenait pas, ni non plus le médecin du travail, que le personnel ne voyait jamais, sauf... pour faire baisser les rares cas d'acceptation de taux d'invalidité, qu'il ramenait à 30 %, voire à 10 ou même 5 % !

Ce médecin, en excellentes relations avec le patronat régional, avait intenté un procès en diffamation - qu'il a perdu - contre le collectif Jussieu qui s'était intéressé au cas d'Amisol.

L'usine a été définitivement fermée en 1976. Mais c'est plus tard que des plaintes furent déposées pour faire reconnaître, comme dûs à des maladies professionnelles, des cas de décès par cancer.

Il existe aussi d'autres situations tout autant dramatiques. Par exemple celle d'une jeune institutrice dont le père et les deux frères ont travaillé à Amisol. Elle se chargeait de laver leurs vêtements de travail qu'elle secouait avant de les mettre dans la machine à laver. Elle a donc absorbé à maintes reprises de fines poussières qui ont provoqué un cancer qui a entraîné son décès. Sa famille bataille depuis des années pour faire reconnaître ce cas et obtenir au moins des indemnités.

Faire payer les patrons

Fin juillet 2002, la grande presse faisait état de la baisse des actions de Saint-Gobain, expliquant que c'était de la faute des procès sur l'amiante. Le groupe serait harcelé par des milliers de plaintes. Depuis 20 ans, à travers le monde, il y aurait 20 000 plaintes individuelles et 40 000 collectives. Mais Saint-Gobain a pris des assurances afin de faire face à toutes ces procédures et mis de côté 100 millions d'euros en provision. Ce qui n'est pas grand-chose pour lui, à peine 6 % des bénéfices nets avoués.

Les dirigeants de ce trust poussent le cynisme jusqu'à proclamer qu'ils ont réussi à faire baisser le montant moyen des indemnités par travailleur, qui est passé de 2 800 euros à 1 700, quand ils ne repoussent pas indéfiniment les réparations financières à des travailleurs qui souffrent et meurent pour leurs profits.

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