Allemagne : Schröder-Stoiber, les deux faces d'une politique pro-patronale20/09/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/09/une1781.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Schröder-Stoiber, les deux faces d'une politique pro-patronale

Il est bien difficile de savoir qui sortira vainqueur des élections législatives allemandes, qui auront lieu le 22 septembre. Le chancelier social-démocrate sortant, Gerhard Schröder, en place depuis quatre ans, et qui rencontrait un certain discrédit dans l'électorat populaire, a opéré ces dernières semaines une remontée spectaculaire dans les sondages, alors que, depuis des mois, il était donné battu.

Il a opportunément utilisé les inondations qui ont sinistré, fin août, les populations vivant dans les régions du Danube et surtout de l'Elbe pour se montrer sur le terrain et déclarer, notamment, que les entreprises devaient être solidaires et participer au financement de la reconstruction. Reste à savoir ce qu'il en sera réellement, une fois passées les élections.

Il a aussi tenu à répéter, en particulier lors des débats télévisés qui l'ont opposé à son adversaire social-chrétien Edmund Stoiber, que s'il était réélu, son gouvernement ne participerait pas, quoi qu'il arrive, à une intervention militaire en Irak. Cela lui a permis de toucher, à bon compte, la fibre pacifiste, profondément ancrée dans toute une partie de la population allemande depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Là encore, cela ne lui coûte pas grand-chose. Les États-Unis ont malheureusement les moyens d'intervenir tout seuls, s'ils le décident. Et s'ils font pression sur leurs alliés occidentaux pour les impliquer dans la guerre, le Parti Social-Démocrate trouvera bien le moyen d'expliquer qu'il s'agit d'une mission de l'ONU. Car c'est tout de même sous le gouvernement Schröder que la Bundeswehr (l'armée allemande) a participé pour la première fois à des missions hors du pays (en ex-Yougoslavie), ce qu'elle n'avait jamais fait depuis 1945 !

Alors les promesses de Schröder ne sont surtout que des promesses, dont la fonction essentielle est de lui permettre de regagner des voix... en faisant oublier son bilan social.

Car, lors de son élection en 1998, il avait déclaré vouloir être jugé et réélu sur sa capacité à créer des emplois. Or le chômage vient de passer, en août, au-dessus du chiffre de 4 millions de demandeurs d'emploi officiels, pratiquement le niveau auquel il se situait lorsque Schröder a été élu. A ce chiffre, il faut d'ailleurs ajouter 1,7 million de personnes placées dans des emplois sous contrat subventionnés par le gouvernement ou dans des formations ne débouchant sur rien. Et, dans l'ancienne Allemagne de l'Est, la situation est toujours catastrophique puisque le chômage atteint le taux de 17,7 %.

Et le pire est sans doute à venir. Depuis des semaines les grandes entreprises annoncent des plans de licenciements à répétition, dans les banques, l'automobile, l'électronique, les télécommunications ou encore les services. D'autres ont déjà fait savoir que, à cause de la conjoncture, la prime de Noël (qui fait souvent office de 13ème mois) serait diminuée.

Mais sur ce terrain-là - celui des coups portés à la classe ouvrière par le patronat - le gouvernement, qui réunit les sociaux-démocrates et les Verts, tient à ne faire aucune démagogie. Au contraire : il a élaboré un plan qui est une véritable déclaration de guerre à l'encontre du monde du travail.

Sous couvert de trouver des idées pour réduire le chômage de moitié (l'objectif annoncé est de 2 millions fin 2005, comme si c'était un exploit !), il a mis sur pied une commission " indépendante " présidée par le chef du personnel de Volkswagen, Peter Hartz. Composée d'économistes, de syndicalistes et de chefs d'entreprise, elle a rendu ses conclusions définitives le 16 août. Celles-ci ne sont guère différentes de ce qui avait déjà été révélé au début de l'été (voir LO n?1772). Il s'agit d'un catalogue (251 pages) de mesures dont beaucoup sont provocatrices à l'égard du monde ouvrier. On y trouve, entre autres :

  • l'obligation, pour les jeunes chômeurs d'accepter un emploi " n'importe où dans le pays ", sous peine de baisse des allocations de chômage,
  • la suppression de la protection contre les licenciements dont bénéficient les salariés âgés, afin de " ne pas dissuader les patrons de les embaucher ",
  • ou l'incitation, adressée aux chômeurs, tels les anciens mineurs, à créer leur entreprise personnelle. Ils disparaîtraient ainsi des statistiques et n'auraient plus qu'à se débrouiller pour créer leur propre emploi !

    L'ensemble constitue une attaque en règle contre les chômeurs et, au-delà, contre tous les travailleurs, avec le but affiché de baisser fortement les salaires.

    Schröder, qui avait reçu le surnom de " l'ami des patrons " lorsqu'il dirigeait le land de Basse-Saxe a annoncé que, en cas de réélection, de nombreuses propositions du plan Hartz seraient mises en oeuvre rapidement. Et les syndicats le soutiennent dans ce sens, disant espérer qu'il n'y aura pas de dérive trop " libérale " !

    Dans ces conditions, Stoiber, qui a du mal à ne pas se faire doubler sur sa droite par Schröder, tente d'en rajouter vis-à-vis de son électorat réactionnaire. Il s'est, par exemple, empressé de dire qu'il était pour repousser jusqu'à 800 euros le salaire limite autorisant " les petits boulots " à être exonérés de charges sociales. Cela alors que la limite actuelle est de 325 euros et que Hartz propose de la porter à 500 !

    Quant au patronat, qui avait applaudi à la mise en place de la commission, il a commencé à faire la fine bouche, histoire de faire pression pour obtenir encore plus. Ainsi, Michel Rogowski, président de la Fédération de l'Industrie Allemande, réclame des coupes claires encore plus importantes dans les prestations sociales, afin d'abaisser le coût de la main-d'oeuvre. Et quand un quotidien l'interroge sur la situation dramatique de l'Allemagne de l'Est, où pour un travail équivalent les salaires sont, légalement, toujours inférieurs à ceux de l'Ouest, il répond, cyniquement : " Les gens ne doivent se faire aucune illusion. Pour de grandes parties de l'Allemagne de l'Est, cela prendra deux générations plutôt qu'une pour qu'elles se rapprochent du niveau de vie moyen de l'Ouest ".

    Alors, les travailleurs sont prévenus : quel que soit le résultat des urnes, les attaques contre la classe ouvrière et ses conditions d'existence vont redoubler. Tout dépendra, dans la période à venir, de l'aptitude de la classe ouvrière à se défendre contre le patronat et les politiciens à son service, qu'ils soient de droite ou se disent de gauche.

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