Arc International (Pas de Calais) : La casse de l'emploi et des salaires13/09/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/09/une1780.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Arc International (Pas de Calais) : La casse de l'emploi et des salaires

Arc International, ex-Verrerie-Cristallerie d'Arques (VCA), est une des dernières grandes entreprises industrielles à capital familial du Nord-Pas-de-Calais. Avec près de 12 000 emplois directs, elle fait vivre toute la région de Saint-Omer. Mais en plein milieu des vacances, le patron, Philippe Durand, invitait plus de 200 maires des environs et ensuite la presse, pour annoncer des mesures de réorganisation et déclarer : " Nous connaissons des problèmes... Notre pari c'est de licencier personne ".

Cette opération de communication avait, paraît-il, pour but d'infirmer une rumeur sur 7 000 licenciements et une délocalisation en Chine... Mais elle confirmait au personnel d'autres mesures, bien réelles celles-là, de réorganisation et de compression d'effectifs dans un " contexte de forte concurrence ".

Avec le démenti de cette rumeur, la direction compte bien que les travailleurs seront soulagés d'apprendre qu'il n'y aurait " que " 150 à 180 mutations internes, de la maintenance vers la production, avec une possible perte de salaire seulement dans six mois. Mais depuis quelques mois plusieurs centaines de contrats à durée déterminée n'ont pas été reconduits. Et si la conjoncture ne s'améliore pas, la direction annonce tabler sur 2 000 à 2 500 départs en retraite, dans les cinq ans à venir, qui ne seraient pas remplacés.

Quel soulagement pourrait-il y avoir ? Comme si la suppression des CDD et les retraités non remplacés n'allaient pas se traduire directement par une forte augmentation du nombre de chômeurs !

Arc International est pourtant une entreprise familiale très riche.

Depuis les années 1930 où Jacques Durand l'a prise en mains, d'énormes profits ont été accumulés par la famille de ce patron paternaliste. Extensions, investissements, école de commerce et d'ingénieurs, châteaux, vignobles et vie fastueuse pour le clan familial, tout cela a été payé par le travail et la sueur de générations d'ouvrières et d'ouvriers.

La famille Durand est au vingt-septième rang du hit parade des grandes fortunes du pays. Son patrimoine est supérieur au milliard d'euros. Rien que sur Arques, vingt-neuf riches contribuables payent l'impôt sur la fortune, avec une moyenne supérieure à 144 000 euros.

Il y avait sans doute du travail à la VCA pour ceux qui étaient recommandés par un maire, un curé, ou qui y avaient déjà de la famille, mais le travail y était dur et les salaires faibles.

En 1968 il n'y eut pas de grève à la VCA, et si la CGT put y faire son entrée, elle resta très minoritaire face au syndicat maison et les militants combatifs n'avaient pas la vie facile.

Alors les profits se sont accumulés. Pour les trois dernières années, 1999-2001, le cumul des bénéfices et de la trésorerie disponible représente l'équivalent des salaires et charges d'une année entière de l'ensemble du personnel. En plus, en 2000, la famille Durand a pu s'offrir l'entreprise nord-américaine Mikasa (3 000 salariés) et lancer un joint-venture avec l'entreprise chinoise Nanjing Glass Factory (2 600 salariés). Ces acquisitions sont venues s'ajouter aux usines qu'elle possédait déjà en Espagne, en Italie et aux USA.

En 1997, à la disparition de Jacques Durand, surnommé " grand-père Durand " dans l'usine, le directoire de l'entreprise et Philippe Durand ont décidé de passer à un mode de gestion " plus moderne " : encore plus de sous-traitance, d'externalisation et de délocalisations.

La direction annonce aujourd'hui des mesures qui peuvent passer pour peu douloureuses au regard des licenciements massifs et des fermetures d'entreprises qui frappent de nombreux autres salariés, comme l'usine Solectron à Longuenesse, près d'Arques, avec plus de 400 suppressions d'emplois.

Mais déjà, avec la mise en place des 35 heures, la flexibilité et la polyvalence se sont largement développées, et les salaires sont bloqués pour de nombreuses années. Le développement de la production en Chine, avec des salaires dix fois plus faibles, va être utilisé comme chantage à la délocalisation.

Cette politique est aussi transparente que le cristal qui sort des ateliers. C'est celle qui prévaut dans toutes les grandes entreprises, au détriment des salariés et de la population. La famille Durand vient aussi d'embaucher un directeur général hors du sérail : il vient de Danone, dont la réputation d'entreprise qui licencie n'est plus à faire. C'est tout un symbole !

Si ces premières mesures sont acceptées, la direction passera aux suivantes et, après les premiers sacrifiés, il y en aurait bien d'autres. Cependant, malgré toutes les précautions prises par la direction, il n'est pas sûr que cette politique passe sans casse.

Arc International a réalisé 41 millions d'euros de bénéfice en 2000 et 21 millions en 2001 : la moindre des choses serait d'abord de prendre sur les profits présents et passés de la famille Durand pour maintenir les salaires et les emplois.

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