Russie : L'abcès de la guerre en tchétchénie30/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1778.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : L'abcès de la guerre en tchétchénie

Le 22 août a été décrété journée de deuil national par le président Poutine. Trois jours plus tôt, en Tchétchénie, un missile tiré par des indépendantistes avait abattu un hélicoptère militaire et fait 115 morts à bord et au sol. Il s'agit des plus lourdes pertes enregistrées en une seule journée par les forces armées russes depuis le début de la seconde guerre de Tchétchénie. C'est aussi un camouflet sanglant infligé à Poutine qui, durant l'été 1999, avait lancé cette guerre en se faisant fort de réduire la sécession tchétchène, en même temps qu'un nouveau démenti apporté à ses fanfaronnades du printemps dernier, lorsqu'il affirmait que " la phase militaire de l'opération antiterroriste - les autorités russes refusant de parler de guerre - était achevée ".

Non seulement il n'en est rien, mais cette guerre, qui a déjà duré plus que la première déclenchée par Eltsine en 1994, n'en finit pas de faucher de jeunes soldats (officiellement par dizaines chaque mois ; bien plus selon l'organisation des Mères de soldats). Sans oublier la population locale décimée et déplacée en masse et, pour ceux qui restent sur place, soumise aux bombardements, aux rackets des bandes armées des deux bords, aux internements arbitraires que la soldatesque russe accompagne d'exécutions sommaires, de tortures, de demandes de rançon. Depuis l'aide que le Kremlin a apportée à l'Occident en Afghanistan, donnant-donnant, les dirigeants occidentaux ont mis un terme même aux timides critiques qu'ils avaient pu formuler quant à la politique de Poutine en Tchétchénie. Mais cette guerre n'en reste pas moins un abcès purulent sur le corps du régime russe, ô combien révélateur de ses tares. Ainsi, le 13 août, le quotidien russe Kommersant, proche du Kremlin, publiait en grand à la " Une " la photo d'une femme et d'un enfant (des Russes de Tchétchénie) devant leur façade criblée de balles et portant l'inscription : " Ici, il y a des vivants - c'est vérifié ". Cette photo sous un titre barrant toute la page - " Suspension du droit de tuer " - où ce journal racontait comment, fait unique, les autorités avaient dû décréter un deuil public après qu'un détachement des troupes fédérales eurent assassiné deux fillettes et leur mère.

Mais il n'y a pas que les exploits sanglants de l'armée qui s'étalent au grand jour en Tchétchénie : il faut y ajouter la désorganisation, le cynisme et la corruption de tout l'appareil d'État russe, même si sa branche militaire s'y illustre tout particulièrement. Car si la Tchétchénie est un drame pour la population et les conscrits, elle constitue un terrain de choix pour l'enrichissement crapuleux d'une masse de gens : des dirigeants locaux tchétchènes pro-russes que le Kremlin a parfois dû sortir de prison avant de les mettre en place, aux mercenaires dont l'armée fait grand usage (pour terroriser les civils et pallier les désertions dans le contingent) et aux officiers supérieurs qui trafiquent sur tout ce qu'ils peuvent (de la nourriture de la troupe à leurs propres soldats, parfois " vendus " comme otages, en passant par les armes et le pétrole).

Et les affrontements entre bandes rivales de pillards galonnés ne sont pas moins sanglants que les combats proprement dits. Ainsi, en septembre 2001, un autre hélicoptère avait explosé au décollage à Grozny, tuant deux généraux et huit officiers devenus gênants car enquêtant sur divers trafics impliquant la hiérarchie militaire russe. Car la corruption gangrène l'armée comme elle ronge tous les rouages de l'État partout en Russie : en 1997, selon les propres données du ministère russe de la Défense, plus de 18 000 officiers, dont 26 généraux, avaient été inculpés pour des actes criminels ; l'année suivante, 70 % des délits enregistrés par la justice militaire concernaient des affaires de drogue. Depuis, ces chiffres n'ont fait que croître...

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