Affaire des frégates de Taïwan : " secret-défense " systématique30/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1778.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire des frégates de Taïwan : " secret-défense " systématique

Dans l'affaire des frégates de Taïwan, le " secret-défense " ressemble à l'arme absolue pour bloquer l'ensemble des enquêtes judiciaires en cours.

Commencées depuis des années, celles-ci portent sur le versement de commissions multiples lors de la vente de ces frégates fabriquées par Thomson, à Taïwan, en 1991, sous embargo à l'époque : il était dans l'intérêt pour le trust d'obtenir l'appui de Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères du gouvernement socialiste. La suite révéla que Thomson, avec l'aide d'Elf, avait versé dans ce but (entre autres) des dizaines de millions de francs de " commissions " à divers intermédiaires, dont la depuis devenue célèbre Christine Deviers-Joncour, alors proche de Roland Dumas.

La distribution de " commissions " - c'est-à-dire, pour parler concrètement, de pots-de-vin - se chiffrant en dizaines voire en centaines de millions d'euros fait partie du fonctionnement habituel de ces grands groupes capitalistes... quitte à prendre quelques libertés avec la légalité, car les bénéfices se chiffrent, eux, en milliards.

En cas d'ennuis juridiques (rares), ces trusts peuvent espérer les renvois d'ascenseurs de leurs serviteurs politiques, ministres et hauts fonctionnaires, ceux-là mêmes qui déploient tout leur zèle à leur trouver des marchés.

Ainsi depuis six mois, l'enquête menée par les juges d'instruction se heurte à un obstacle tombé tout droit des sommets de l'État : le secret-défense. Une sorte de joker que le gouvernement met opportunément à la disposition de Thalès (ex-Thomson-CSF) et de ses compères pour bloquer l'enquête. Il a ainsi été impossible pour les juges d'instruction de consulter des documents portant sur des commissions de près de 450 millions d'euros, versées à un intermédiaire chinois. La direction générale des douanes, qui détient les déclarations de paiement effectuées à l'époque par Thomson-CSF, s'est barricadée derrière le secret-défense pour en refuser l'accès aux juges. Ce refus d'ouvrir les archives à la justice a été approuvé par le ministre des Finances de gauche Laurent Fabius en décembre 2001, imité, bien évidemment, par son successeur de droite Francis Mer. L'un comme l'autre se sont hypocritement abrités derrière l'avis d'un organisme consultatif, prétendant sans rire que lever le secret-défense à propos de ces magouilles équivalait à " nuire de la façon la plus grave aux intérêts fondamentaux de la nation ". Fichtre !

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