Une momie aux mains sales23/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1777.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Une momie aux mains sales

Bavotant, tremblotant, le visage cireux, on l'a trimballé une fois encore dans sa papamobile pour délivrer les mêmes âneries - heureusement à peine audibles - sur la religion à l'école, l'interdiction de l'avortement, le sexe satanique, avec bien sûr un peu de "miséricorde" sur les malheurs du monde.

Le spectacle est pitoyable, mais l'Eglise n'en a pas d'autre à offrir. Manifestement les télévisions du service public, parait-il laïc, non plus.

Mais le "bon pasteur" ne se contente pas de dispenser des leçons de morale doucereuses et désuètes. Il fait aussi de la politique, comme toute l'Eglise, ce parti mondial de l'idéologie conservatrice et réactionnaire.

Il y a bien sûr la politique spectacle, celle qu'on nous sert à satiété sous le feu des projecteurs : le chevalier blanc qui aurait fait trembler Moscou et vaincu le communisme, autant dire le mal absolu ! Anticommuniste, l'Eglise l'est forcément, elle qui a toujours prôné la résignation sur terre pour les pauvres, l'absolution de leurs crimes pour les puissants. Mais ce prétendu combat contre ces régimes prétendument communistes - en fait staliniens - relève pour une bonne part de la fiction.

Lorsque la classe ouvrière s'est battue en Pologne aux chantiers navals de Gdansk en 1980, puis contre la dictature de Jaruzelski, l'Eglise a surtout mis tout son poids - au travers de ses dizaines de milliers de prêtres-militants et de Lech Walesa lui-même - pour ne pas aller trop loin, fidèle comme toujours à son programme qui voudrait associer le Travail et le Capital, les syndicats et les patrons, l'opposition et la dictature, au nom de la "réconciliation" et de la "fraternité", et qui ne peut que profiter aux pouvoirs en place.

Quant à la chute du prétendu communisme, elle a été surtout préparée et organisée d'en haut, par le régime lui-même, avec l'objectif avoué de permettre à la bureaucratie privilégiée de se reconvertir en une véritable classe capitaliste. Jean-Paul II n'y est pas pour grand chose même s'il n'était évidemment pas contre.

Mais il y a aussi la face obscure de la politique de l'Eglise. Pas seulement celle d'autrefois (il faut pourtant qu'un film récent comme Amen de Costa Gavras sorte enfin dans les salles pour nous rappeler cette époque pas si lointaine où l'Eglise se taisait sur les crimes nazis et organisait après 1945 la fuite de centaines de criminels vers l'Amérique latine). Il y a celle d'aujourd'hui : les crimes de l'Eglise qui préfère la diffusion du Sida à celle de la capote en Afrique notamment, le soutien aux dictatures d'extrême droite en Amérique latine encore dans les années 1980, la caution apportée à cette partie de la hiérarchie catholique qui bénissait les milices génocidaires au Rwanda, ou celles qui se réclamaient de la Croatie catholique pour justifier les massacres de civils serbes ou bosniaques au cours des guerres qui ont démembré la Yougoslavie.

Jean-Paul II a voulu une Eglise en ordre de bataille pour reconquérir le terrain perdu. Elle l'est d'une certaine manière aujourd'hui, en faisant le ménage (condamnant les courants se réclamant de la "théologie de la libération" coupables d'être un peu trop sensibles aux idées progressistes), et surtout en favorisant ces véritables sectes d'extrême droite que sont la Légion du Christ en Amérique latine, et l'Opus Dei fondée en Espagne à l'époque du franquisme. Elles ont acquis par la volonté de Jean-Paul II une place éminente au sein de la hiérarchie catholique.

Heureusement, même en Pologne, l'influence de l'Eglise et de la religion tend à décliner un peu. Mais sur fond de crise économique et sociale, de recul des luttes ouvrières et des idées d'émancipation sociale, le danger est toujours grand de voir la religion - toutes les religions - servir une fois de plus d'exutoire aux pauvres, et parfois d'instrument pour détourner la colère et les révoltes des exploités et des opprimés sur le terrain du fanatisme et du nationalisme.

Editorial des bulletins d'entreprise "l'Etincelle" de la minorité du lundi 19 août 2002

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