Surpopulation dans les prisons : Une aubaine pour Bouygues et Cie23/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1777.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Surpopulation dans les prisons : Une aubaine pour Bouygues et Cie

Des prisons toujours surpeuplées ; des tensions, des incidents et rébellions qui, périodiquement, explosent dans l'un ou l'autre des établissements carcéraux ; une politique annoncée par le gouvernement encore plus répressive et un secrétaire d'État aux "Programmes immobiliers de la Justice" promettant la création de 11 000 places supplémentaires à construire dans de nouvelles prisons, et voilà les entreprises privées sollicitées pour leur construction en train d'étudier le pactole que cela pourrait leur rapporter. Et ce n'est certes pas la première fois que les capitalistes du BTP et autres pourront tirer profit de cette situation.

Actuellement, près de 56 000 personnes sont enfermées dans les prisons françaises, qui ne disposent que d'un peu plus de 47 000 places. Selon l'Observatoire international des prisons, en France, la densité de la population carcérale dépasse 200 % dans 21 établissements ou quartiers pénitentiaires et 150 % dans une quarantaine d'autres. Les détenus sont enfermés à trois, voire quatre dans des cellules de 9 à 11 m2, avec un matelas par terre pour le dernier arrivé. La plupart des activités professionnelles, culturelles ou sportives s'interrompant pendant l'été, ils passent 20 à 22 heures par jour dans cette promiscuité. Les conséquences sur l'hygiène, la santé, les mesures disciplinaires, sont multiples. Les témoignages de surveillants de la prison de Loos-lès-Lille, rapportés par le journal Le Monde du 16 août, en donnent un petit exemple : " Chaque agent doit maintenant s'occuper d'une centaine de détenus. On n'a plus le temps de discuter ou de comprendre. Lorsqu'un gars pose problème, on va directement au clash. Le recours à la force est plus fréquent, comme les placements préventifs au quartier disciplinaire ", " A l'infirmerie, c'est de l'abattage. C'est l'usine à médicaments et antidépresseurs ". Les situations les plus critiques seraient celles des détenus provisoires (en attente de jugement) et des détenus en fin de peine (moins d'un an).

La réponse du gouvernement Raffarin à ce problème de surpopulation en prison, qui ne date pas de cet été, a donc été de créer un secrétariat d'État aux " Programmes immobiliers de la Justice " et d'annoncer la construction de nouvelles prisons. Cette politique est menée depuis quinze ans par les gouvernements successifs, sans régler le problème de la surpopulation carcérale, le nombre de détenus augmentant avec celui des places disponibles.

En 1987, le garde des Sceaux Albin Chalandon lançait un grand programme de construction de 25 nouvelles prisons construites entre 1989 et 1992, soit pas loin de 13 000 places créées. Par la suite, d'autres constructions se sont succédé à un rythme plus lent, les dernières sont encore en cours, lancées sous le gouvernement Jospin.

Depuis 1987, la construction des prisons et une partie de leur fonctionnement (maintenance technique des bâtiments, lingerie, restauration, travail pénitentiaire, santé jusqu'en 2000) sont réservées aux entreprises privées... qui sont preneuses à condition que les perspectives de profits soient jugées satisfaisantes.

Aujourd'hui, Sodexho Alliance et le groupe Suez en particulier se partagent la restauration et la gestion des " prisons Chalandon ". De grandes entreprises du bâtiment (comme Bouygues et Eiffage, la société qui a décroché par ailleurs la construction du viaduc de Millau) se chargent des nouvelles constructions. Les nouveaux projets du gouvernement s'annoncent aussi assez juteux : le coût de chaque nouvelle place créée est estimé entre 50 000 et 60 000 euros et le coût d'entretien de chaque détenu s'élèverait ensuite à quelque 6500 euros par an. Au total et comme premier budget, le gouvernement Raffarin affecterait 1,75 milliard d'euros aux nouvelles prisons et centres fermés, jolie somme qui devrait donc passer directement dans les poches des sociétés privées intéressées. Voilà pour l'État, un moyen de plus, et particulièrement infâme, de financer les entreprises privées avec l'argent public.

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