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Vivendi
Les eaux troubles du capitalisme
Le titre boursier Vivendi en voit de toutes les couleurs. Après une chute de 42 %, en trois jours, à la veille du 15 août, il est remonté de 22,5 %. L'apparition d'un endettement de 39 milliards d'euros d'une entreprise qui, il y a peu, était le chouchou des boursicoteurs, alimente les bavardages des journalistes et autres experts sur la "nécessaire" transparence des comptes.
C'est plus facile à dire qu'à faire comme le montre l'exemple des États-Unis, où le gendarme de la Bourse, la SEC, équivalent américain de la COB, en est réduit à demander aux directeurs financiers des 947 entreprises cotées dont le chiffre d'affaires dépasse 1,2 milliard de dollars, de déclarer sur l'honneur la véracité de leurs comptes. Si les PDG de quelques-unes des plus grandes entreprises américaines n'ont pas hésité à truquer leurs comptes pour séduire les actionnaires, une "déclaration sur l'honneur" ne constitue certainement pas un obstacle à des malversations. Les responsables de la SEC d'ailleurs le savent bien, mais ils espèrent ainsi rassurer les petits actionnaires échaudés.
Mais les comptes douteux ne sont pas une exclusivité américaine. Vivendi vient d'en administrer la preuve. Il y a quelques mois encore, elle semblait voler de succès en succès et la voilà embourbée dans 39 milliards d'euros de dettes. Son nouveau PDG, Jean-René Fourtou, qui a succédé à Jean-Marie Messier, multiplie les déclarations, parfois contradictoires, pour rassurer là aussi les actionnaires. Il esssaye de vendre les parts de Vivendi dans le portail Internet Vizzavi pour amorcer son désendettement. Cette première cession alimente l'inquiétude des salariés des différentes composantes de l'empire Vivendi, qui se demandent où ces ventes s'arrêteront et quelles conséquences elles auront pour les emplois.
L'éditorialiste du quotidien Le Monde du vendredi 16 août décrivait ainsi le manque de transparence du monde financier : "En France, un groupe de la taille de Vivendi Universal peut reconnaître des pertes colossales sans que personne soit inquiété : 25,9 milliards d'euros en dix-huit mois, soit plus de 10 milliards de plus que le gouffre du Crédit Lyonnais. En France, le capitalisme de connivence reste la règle, un petit monde où, autour des tables des conseils d'administration, banquiers et administrateurs ne font qu'un, au mépris de conflits d'intérêts évidents puisque, dans le cas de Vivendi, par exemple, ce sont les banquiers présents au conseil qui pourraient bien récupérer la mise si certains des scénarios de sauvetage envisagés sont adoptés."
Selon cet éditorialiste, serait ainsi violée une "règle essentielle de l'économie de marché, la transparence". Le tout, c'est d'y croire. En réalité, le "capitalisme de connivence" n'est pas une exception française de plus, c'est tout simplement la règle du monde capitaliste, son fonctionnement normal. Et les scandales financiers aux États-Unis ou en France ne sont pas des "bavures" du système capitaliste, mais bel et bien un coup de projecteurs sur les rouages d'un système.
En effet, les administrateurs des groupes capitalistes n'ont de comptes à rendre qu'à eux-mêmes. Et l'État n'est pas là pour les contrôler mais pour les aider de toutes les manières : il leur trouve des marchés, il met la main à la poche en les subventionnant, et il est prêt bien sûr à intervenir pour amortir quand c'est nécessaire les conséquences de choix néfastes. Il faut en effet se souvenir que Vivendi, l'ex-Générale des Eaux, a tiré son immense fortune de son activité principale, la gestion de l'eau, dont elle partage, pour l'essentiel, le monopole avec sa rivale la Lyonnaise des Eaux, et cela grâce à la... connivence des pouvoirs publics.
Les dirigeants de Vivendi, comme de toutes les grosses sociétés, ne veulent pas être contrôlés par d'autres qu'eux-mêmes, et surtout ils ne veulent pas rendre de comptes à la population. Et c'est bien cela le problème. Car c'est la population laborieuse qui va supporter les conséquences des pertes financières de Vivendi. C'est pourquoi un réel contrôle des comptes de cette entreprise et de ses dirigeants, comme d'ailleurs de l'ensemble des grandes entreprises, par la population laborieuse elle- même est d'une urgente nécessité. Et il serait même normal que les entreprises qui contrôlent la distribution d'un produit aussi essentiel que l'eau ne soient pas abandonnées aux aléas de la gestion privée mais gérées par l'État.