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Dans le monde
Espagne : Attaques contre les allocations des journaliers
En Espagne, la récente réforme concernant l'indemnisation du chômage continue de susciter une profonde inquiétude parmi la paysannerie pauvre d'Andalousie et d'Estrémadure. La remise en cause du PER, le Plan d'emploi rural, qui permettait à quelque 200 000 ouvriers journaliers de bénéficier d'une indemnisation d'environ 324 euros par mois et d'une couverture sociale minimale, va aggraver la misère dans de nombreux villages ou petites villes de régions agricoles.
Instauré en 1984, après que les paysans pauvres eussent mené, pendant des années, des luttes à la fois contre les grands propriétaires terriens, contre les patrons des sociétés agroalimentaires investissant dans ces régions et contre les gouvernements de l'après-franquisme, le PER n'était qu'un pis-aller. Néanmoins il permettait à des centaines de milliers de journaliers qui, en moyenne, ne trouvent de travail que quelque 60 jours par an, de survivre avec les 324 euros mensuels qu'ils percevaient pendant cinq mois s'ils avaient totalisé 35 jours de travail et cotisé régulièrement 60 euros par mois.
La réforme actuelle, en soumettant l'attribution de l'allocation à l'obligation d'avoir accompli 360 jours de travail, la rend inaccessible à la grande majorité des journaliers. Et comme ces travailleurs n'ont aucune chance de trouver du travail en ville ou de parvenir à émigrer, ils n'auront le choix que d'accepter n'importe quel travail, à n'importe quel prix, dans les pires conditions. Et, de proche en proche, la réforme mise en place par Aznar va peser sur la situation de l'ensemble des salariés agricoles de ces régions.
Dans l'ensemble de ce secteur agricole, marqué par l'existence de la très grande propriété foncière, les salaires sont de toute façon très bas. Dans la région de Huelva, au sud de l'Andalousie, par exemple, le salaire journalier moyen brut est de 27,65 euros. Il n'est payé que pour les jours travaillés (à l'exclusion des dimanches, jours fériés, congés payés et jours d'intempérie par exemple). Il faut aussi en déduire l'impôt prélevé à la base et les cotisations sociales. On touche donc peu par journée travaillée. Et celles-ci sont rares. Par exemple, la récolte des fraises dure trois mois, celle des olives, 25 jours. Du coup, les journaliers sont obligés de se déplacer d'une zone à une autre pour récolter ici la fraise, là les asperges, là-bas les olives ou le raisin. Quelles que soient les conventions collectives en vigueur, celles-ci ne sont que des chiffons de papier, tant il est vrai que les grands propriétaires terriens et les patrons des grandes sociétés agricoles savent qu'ils peuvent tourner les lois et licencier car ils trouveront toujours des chômeurs à embaucher.
Le gouvernement d'Aznar a donc décidé de contester aux paysans pauvres les maigres garanties qu'ils avaient arrachées il y a vingt années. Ce serait, disent les responsables du gouvernement, pour économiser les 979 millions d'euros que le PER coûte à l'État. Mais quand il s'agit des intérêts des propriétaires terriens et des actionnaires des grandes sociétés agricoles, le gouvernement est beaucoup moins soucieux d'économiser l'argent public. La part du lion en revient aux grands propriétaires terriens qui empochent d'innombrables subventions.
Il faudrait que les mouvements qui ont eu lieu contre la remise en cause du PER et la grève générale du 20 juin ne restent pas sans lendemain, mais encouragent tous ceux qui sentent que cette situation n'est pas le fruit de la fatalité, mais la conséquence des choix des grands propriétaires fonciers, des capitalistes de l'agriculture et des hommes politiques à leur service.