Hôpitaux : Il faudrait embaucher26/07/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/07/une1774.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpitaux : Il faudrait embaucher

Les journaux et la télévision se font l'écho du manque de personnel qui existe dans les hôpitaux cet été en présentant la situation comme exceptionnelle et à la limite du point de rupture - notamment aux Urgences. Il est vrai que les conditions d'accueil et d'hospitalisation ne s'améliorent pas, et cela ne date pas d'hier, comme on le constate dans les hôpitaux de l'Assistance publique.

Les urgences en juillet : des difficultés anormales mais ordinaires

aux Urgences, par définition, la fréquentation varie d'un moment à l'autre. Un jour, on ne va y trouver que deux patients qui attendent ; mais un autre, les couloirs sont pleins de brancards, et les salles de consultants qui restent des heures. Il arrive même que certains malades stationnent sur un brancard deux ou trois jours avant qu'un lit se libère dans un service de l'hôpital censé les accueillir ou ailleurs. On est donc toujours au bord d'une situation scandaleuse.

Au premier rang des causes de la difficulté à placer les malades pour la période d'été, figure bien sûr la fermeture de nombreux lits. Ce n'est pas un phénomène nouveau, les hôpitaux ont toujours diminué leur capacité durant cette période. En 2002, à l'hôpital Beaujon à Clichy, par exemple, le nombre de lits concernés est à peu près le même qu'en 2001, tournant autour de 30 % de la capacité totale. Dans d'autres établissements parisiens, comme la Salpétrière, ou Necker, c'est moins.

Dans le même temps, de nombreuses maisons de convalescence ont elles aussi fermé partiellement ou totalement, ce qui entraîne des problèmes supplémentaires pour faire sortir les malades hospitalisés pour un traitement ou après une hospitalisation.

Tous ces lits sont depuis des années tout à fait officiellement fermés pour tenir compte du manque de personnel. En particulier pour permettre au personnel de prendre ses congés annuels. Jamais les hôpitaux n'ont accepté l'idée que les effectifs devaient être calculés avec un volant permettant, sans réduire l'offre de soins, de remplacer au moins les départs saisonniers. Et, bien sûr, les remplaçants, embauchés pour quelques mois chaque année, ne sont pas du personnel qualifié pouvant assurer les mêmes tâches que les soignants titulaires.

Mais l'Assistance publique justifie sa façon de faire en disant qu'il y a moins de malades pour se faire hospitaliser en été. Certes, ceux dont l'état leur permet d'attendre préfèrent reporter leur séjour, en se disant d'ailleurs que, vu le manque accru de personnel, il vaut mieux ne pas avoir à se faire soigner à cette période. De plus, les médecins prennent aussi leurs congés ; ils ne convoquent donc pas. Et les médecins de ville évitent si possible d'avoir à adresser leur clientèle aux hôpitaux en été.

Mais cette diminution d'activité est moins forte que la diminution de l'offre de soins, ce qui entraîne les problèmes. En particulier, les malades des Urgences, dont le nombre ne peut pas vraiment être prévu, en font les frais.

Une situation que l'administration dit " normale "

Déjà, avant l'été, l'administration a cherché à diminuer le nombre de lits, sous prétexte de restructurations et de modernisation. Elle n'a pas embauché de médecins, ce qui fait par exemple que les internes se font rares. Enfin, le recrutement de personnel soignant est sans rapport avec ce qu'il faudrait, même pour remplacer les départs en retraite. L'exemple le plus récent est, on le sait, la mise en place des 35 heures : les créations de postes en 2002 sont loin de correspondre aux besoins pour compenser la diminution du temps de travail. Ainsi, à Beaujon, il faudrait au minimum 180 personnes, et le ministère n'en a accordé que 30 cette année.

C'est donc toute l'année que le problème du manque d'effectifs se pose. C'est toute l'année que des malades restent trois ou quatre jours dans un service " Porte " où ils sont censés ne rester qu'un jour, avant d'être dirigés vers le service qui correspond à leur pathologie. C'est toute l'année que certains même restent sur des brancards, des heures durant, dans les couloirs des Urgences. Ou dans une pièce où l'on en parque une dizaine comme à Saint-Antoine.

Pourtant, dans les services, les médecins poussent souvent les malades à sortir au plus vite. Quand le chirurgien qui a opéré un patient vient le voir le lendemain (c'est loin d'être la règle générale), c'est à la fois pour prendre de ses nouvelles et, s'il ne va pas trop mal, le persuader de finir sa convalescence à son domicile et le renvoyer chez lui.

Du coup, il n'y a, la plupart du temps, dans les services que des malades en phase aiguë qui réclament beaucoup de soins. Pour le personnel, cela signifie la course effrénée.

Est-ce la faute du voisin ?...

Dans ce climat, loin de se battre pour obtenir des effectifs supplémentaires, les directeurs essaient de susciter une rivalité entre Urgences et services d'hospitalisation.

Ils font courir le bruit que les médecins dissimuleraient des lits afin de les réserver à des malades convoqués. À Beaujon, sous ce prétexte, ils exigent que les services laissent trois lits inoccupés en prévision d'urgences. Mais réserver des lits pour les urgences ne deviendrait possible qu'en augmentant les capacités et les effectifs du service " Porte ", ce que la direction ne propose pas.

Eh bien, qu'importe pour les directeurs ! Il y a les lits d'hôpital de jour qui ne fonctionnent ni la nuit ni le week-end. Il n'est donc pas rare qu'un directeur impose la nuit, le samedi ou le dimanche, d'y coucher des malades sortant des Urgences. Le lundi matin, ces lits se trouvent déjà occupés par des patients alors que doivent s'y succéder deux ou trois malades convoqués en hôpital de jour pour quelques heures le temps d'une chimiothérapie ou d'un autre soin.

Ainsi l'administration entretient les tensions entre Urgences et services, pratiquant la vieille tactique du diviser pour régner.

...Ou bien le résultat de la politique de l'A.P. ?

Tout cela n'a en réalité qu'une cause : les économies faites par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, en matière de santé, et ce, depuis des années.

Les dotations budgétaires n'augmentent pas d'une année sur l'autre. La plupart des hôpitaux sont en déficit chronique.

Et les ministères et les directions s'acharnent, non à mettre ces dotations au niveau des besoins, mais à comprimer les besoins au niveau des enveloppes budgétaires.

Ainsi ils entretiennent la situation de pénurie, révoltante, toute l'année.

C'est la logique de la société capitaliste qui choisit de subventionner les actionnaires en rognant sur les services publics.

Pour le moment, si l'on entend le mécontentement s'exprimer bien souvent, on ne sent pas la colère du personnel contre ces conditions de travail.

Cependant, nombreux sont les soignants qui disent qu'en septembre ils se mobiliseront. Certes, beaucoup comptent sur les partis et les syndicats qui, rentrés dans l'opposition, " retrouveraient les vraies valeurs de gauche ". Comme si la gauche n'avait pas mené, des années durant, la politique qui a conduit à la situation actuelle !

Mais si ces intentions de lutte sont sérieuses, elles donneront l'occasion de montrer au gouvernement que nous refusons cette politique, et d'exiger une réelle embauche dans la Santé.

Partager