Un système où les voleurs sont rois05/07/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/07/une1771.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Un système où les voleurs sont rois

Aux Etats-Unis, après les affaires Enron, WorldCom, Xerox, qui ont prouvé que les PDG des grandes sociétés ne reculaient pas devant les comptabilités truquées pour faire croire à des bénéfices substantiels, et maintenir ainsi le cours de leurs actions, Bush a affirmé que le gouvernement " sera vigilant et poursuivra les coupables ". Mais il ne s'agit là que d'une déclaration hypocrite, car le comportement des PDG en question obéit simplement à la logique du système économique dans lequel nous vivons. Le but premier d'une entreprise, dans ce système, n'est ni de produire des biens utiles à la population ni de créer des emplois. C'est d'enrichir les détenteurs d'actions, plus particulièrement les gros actionnaires, les seuls qui comptent vraiment. D'ailleurs, si la manoeuvre des dirigeants d'Enron ou de WorldCom avait réussi, si les profits réalisés ultérieurement leur avaient permis de verser des dividendes confortables à leurs principaux actionnaires, qui se serait soucié, dans les milieux de la bourgeoisie, des moyens utilisés ?

En France, ce sont les mêmes lois qui régissent le monde des affaires. Ce n'est même pas l'assemblée générale des actionnaires de Vivendi Universal, mais les six administrateurs européens du groupe que présidait Jean-Marie Messier, qui auraient décidé d'évincer celui-ci de la direction, parce que les opérations de fusion auxquelles il a présidé ont provoqué des pertes qui ont entraîné un écroulement du cours des actions de Vivendi.

Aucun travailleur ne versera certes le moindre pleur sur le sort de Jean-Marie Messier, qui ne sera pas réduit à aller s'inscrire à l'ANPE et qui, avec plus de cinq millions d'euros de revenus en 2001 (le salaire de quelque 400 smicards), et les confortables indemnités que Vivendi va lui verser, n'aura pas trop de soucis d'argent ! Mais l'affaire Vivendi comme les scandales qui ont récemment défrayé la vie économique aux USA concernent aussi, au premier chef, les travailleurs. Car dans le grand jeu de monopoly auquel se livrent les possesseurs de capitaux, dans chacune des opérations de fusion ou de concentration qui s'opèrent, il y a des milliers d'emplois qui disparaissent, des milliers de travailleurs jetés à la rue. Et en ce qui les concerne, le patronat, les politiciens à son service, les économistes dont le métier est de chanter les vertus du capitalisme trouvent cela tout à fait normal.

La justice jette un regard sur la comptabilité des entreprises quand elle pense que les intérêts des détenteurs de capitaux ont été lésés. Mais jamais quand un patron affirme que la situation économique de son entreprise l'oblige à licencier, ni même quand une entreprise licencie alors qu'elle affiche en même temps des bénéfices florissants, et ose expliquer que c'est quand tout va bien qu'il faut procéder à des suppressions d'emplois, pour éviter d'avoir à le faire plus tard dans des conditions plus difficiles. Ce sont les intérêts des détenteurs de capitaux que la loi protège, pas ceux des femmes et des hommes qui produisent tout.

Le gouvernement socialiste, qui faisait semblant d'avoir des préoccupations " sociales ", n'a jamais rien fait contre les licenciements. Et ce n'est évidemment pas le tandem Chirac-Raffarin, qui se situe ouvertement dans le camp des patrons, qui fera plus. Mais si nous voulons cesser d'être les éternels sacrifiés sur l'autel des profits capitalistes, il nous faudra exiger la levée du secret bancaire et du secret commercial, le libre accès à la comptabilité des entreprises, afin que les travailleurs aient la possibilité de juger par eux-mêmes de ce que valent les justifications du patronat quand il procède à des suppressions d'emplois.

Le fait que les élections législatives aient amené à la chambre une majorité écrasante de droite ne diminue en rien la possibilité d'imposer cette transparence de la vie économique. Car ce n'est pas dans les urnes, mais dans le fait que sans eux rien ne fonctionnerait dans la société, que repose la force des travailleurs.

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