L'exemple américain05/07/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/07/une1771.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L'exemple américain

Aux États-Unis, comme ailleurs, ce sont surtout les pauvres que l'on met en prison et le développement spectaculaire du système carcéral y est lié à l'extension de la pauvreté.

De 1960 à 1975, années de relative prospérité, la population carcérale diminuait chaque année de 1 à 2 %. Les " spécialistes " débattaient alors de " décarcération ", de peines de substitution et même d'une société " sans prison ", où l'enfermement serait réservé aux seuls " prédateurs dangereux " (estimés à 10 % des 380 000 prisonniers de 1975).

Mais avec la crise, tout a changé. Les États-Unis ont aujourd'hui un taux de pauvreté double ou triple de celui des pays d'Europe occidentale. Un tiers des salariés gagnent trop peu pour franchir le seuil de pauvreté officiel. Les travailleurs peu qualifiés gagnent en moyenne 40 % de moins que leurs homologues européens. La population répertoriée comme très pauvre, survivant avec moins de 50 % du seuil de pauvreté, a doublé entre 1975 et 1995. Les enfants sont particulièrement touchés : un petit Américain sur cinq grandit dans la misère (un sur deux dans la communauté noire). Et l'Amérique " d'en bas " ne peut guère compter sur l'aide de l'État : aux États-Unis, les dépenses sociales sont les plus faibles de tous les pays industrialisés. Cinquante millions d'Américains, dont douze millions d'enfants, sont dépourvus de couverture médicale. Trente millions souffrent de faim et de malnutrition. Sept millions vivent dans la rue et, dans certains endroits (par exemple le Bronx, quartier à majorité noire de New-York), la mortalité infantile est comparable à celle des pays les plus pauvres de la planète.

La réponse de l'État à ce dramatique problème de pauvreté et de chômage a été une répression toujours accrue. Quand Reagan est arrivé à la Maison-Blanche, il y avait 6 000 gardiens de prison en Californie. Il y en a aujourd'hui près de 50 000. Le nombre de prisonniers est passé de moins de 400 000 en 1975 à 800 000 dix ans plus tard pour atteindre les 2 000 000 aujourd'hui, sans compter les personnes condamnées à la prison avec sursis ou remises en liberté conditionnelle. Au total, il y a aujourd'hui environ 6 millions d'Américains entre les griffes du système judiciaire alors que depuis trente ans la criminalité est restée globalement constante.

Cette croissance est sans précédent dans l'histoire des États-Unis où la domination de la bourgeoisie et les inégalités qu'elle engendre ont pris la forme d'une véritable guerre contre les pauvres.

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