Coup pénale internationale : L'hypocrisie des grandes puissances05/07/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/07/une1771.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Coup pénale internationale : L'hypocrisie des grandes puissances

Une crise vient d'éclater entre un grand nombre d'États, essentiellement européens, et les États-Unis, à propos de l'institution d'une Cour pénale internationale (CPI). Cette tempête dans un verre d'eau judiciaire est une illustration de ce que valent les grands principes dans ce monde dominé par l'impérialisme.

De nombreuses ONG (organisations non-gouvernementales) qui défendent les droits de l'Homme et sont scandalisées par l'impunité dont jouissent les dirigeants des grandes puissances qui commettent des génocides et autres crimes contre l'humanité, au Rwanda, en Sierra Leone, en Bosnie, ou ailleurs, ont poussé à la création de ce tribunal international, qui pourrait juger, en passant par-dessus la tête des Etats incriminés dans ces forfaits.

Il s'agit de faire, à l'échelle internationale cette fois, un tribunal comme celui qui a été institué pour juger des crimes commis dans l'ex-Yougoslavie.

Après bien des atermoiements, 135 pays ont signé le texte fondateur, mais jusqu'à présent 76 seulement l'ont ratifié. Ceux qui poussent à la création de la CPI sont essentiellement des pays d'Europe. Depuis une quarantaine d'années en effet, les derniers États européens qui possédaient des restes d'empires coloniaux ont dû leur accorder l'indépendance, après des guerres abominables, en Algérie et dans les ex-colonies portugaises. Les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, pour le moment les soldats européens n'en commettent plus directement. Ils font faire le sale " travail " par la soldatesque locale, comme la France encore récemment au Congo ou comme elle l'a encouragé et laissé faire au Rwanda.

Cependant les représentants français ont été réticents à la création de la CPI, et ne l'ont acceptée qu'après avoir obtenu des garanties. Parmi ces garanties il est prévu que le Conseil de sécurité de l'ONU pourra, dans certaines circonstances, interrompre une enquête.

Quant aux missions militaires accomplies sous le couvert de l'ONU, elles sont par définition hors du champ des crimes de guerre. Il en va ainsi des bombardements sur l'Irak ou sur le Kosovo. Le risque qu'un tel tribunal pour les pays d'Europe implique un gouvernement européen est très limité.

On mesurera toutefois l'hypocrisie de cette position si l'on rappelle qu'il n'y a pas si longtemps la Grande-Bretagne détenait Pinochet, criminel s'il en fut, et qu'elle l'a laissé filer...

Mais, bien que cette Cour pénale internationale soit dans l'esprit des dirigeants des grandes puissances une façon d'amuser la galerie, les États-Unis ont refusé de s'y rallier. Et comme les signataires persistent, les dirigeants américains menacent de retirer leurs forces des divers organismes de l'ONU auxquels ils participent, en Bosnie et ailleurs.

Pour les responsables, l'argument des États-Unis est le suivant : il n'est pas question que des soldats américains qui se battent sous le couvert de l'ONU par exemple puissent être inquiétés par un tribunal international. Pour eux, seul un tribunal américain peut juger des citoyens américains.

En réalité, ce qui gêne les dirigeants américains, c'est l'utilisation " à des fins politiques " de ce tribunal. Ainsi, des Afghans pourraient porter plainte contre les États-Unis pour leurs bombardements aveugles, dont l'un, le bombardement d'un mariage, vient encore de faire des dizaines de victimes civiles tout récemment.

Car si les Européens se sont grosso modo dégagés des guerres coloniales, les États-Unis, le gendarme du monde, courent le " risque " d'assumer les " dommages collatéraux " de leurs nombreuses interventions militaires dans le monde : en Somalie, en Irak, au Kosovo, en Afghanistan. Et les États-Unis ne tiennent pas à s'encombrer d'un tribunal international, même pourvu de toutes les garanties qu'on voudra. C'est une façon de dire que les États-Unis ne veulent pas prendre l'engagement de ne commettre aucun crime de guerre. D'ailleurs, qui les croirait ?

Autre raison du refus américain, c'est que la CPI est une émanation européenne. Les États-Unis veulent bien jouer les gendarmes, mais pas que les Européens ou d'autres puissent leur donner des leçons.

Mais toute cette tempête n'est qu'une farce : lors du récent sommet du G8 au Canada, tous les représentants des principales grandes puissances impérialistes ont accueilli Poutine, l'homme qui doit son accession au pouvoir à la guerre en Tchétchénie, et qui laisse sa soldatesque y commettre des atrocités. Tout ce beau monde s'est congratulé, et Poutine a même obtenu quelques milliards de dollars !

Alors la future Cour pénale internationale va-t-elle citer Poutine comme criminel de guerre et tous les autres dirigeants du G8 comme complices ?

La CPI, si elle voit vraiment le jour, s'en prendra à des criminels locaux, coupables certes, mais laissera tranquille les gros bonnets de l'impérialisme. Elle ne porte pas " la promesse d'un monde où les responsables de génocides, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerres seront poursuivis par la justice ", comme le prétend le secrétaire de l'ONU, Kofi Annan.

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