Vivendi, France Télécom : Spéculations risquées aux dépens de la collectivité28/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1770.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Vivendi, France Télécom : Spéculations risquées aux dépens de la collectivité

Panique lundi 24 juin chez les actionnaires : deux des valeurs phares de la Bourse de Paris, Vivendi et France Télécom, repartaient à la baisse de façon catastrophique en entraînant l'indice boursier, le CAC 40, dans une chute supplémentaire de près de 4 %, après des semaines de baisse continue.

Pour mesurer l'angoisse de ceux qui ont cru très malin et très rentable de spéculer, par exemple, sur France Télécom, il faut savoir que l'action de celle-ci fut introduite sur le marché en 1997 au prix de 27,75 euros, qu'elle a atteint son maximum en mars 2000 au prix de 220 euros, pour se fixer, avant cette dernière baisse de 16 % de sa valeur, lundi 24 juin, à 11,22 euros.

Mais ce qui est significatif dans la tourmente financière qui agite ces deux entreprises n'est pas le sort à venir de leurs actuels PDG, Michel Bon pour France Télécom et Jean-Marie Messier pour Vivendi-Universal, mais l'histoire de leur enrichissement grâce à l'Etat et à l'argent public, enrichissement présenté comme exemplaire par tous les chantres du capitalisme français.

Le nom pompeux de Vivendi-Universal ne doit pas faire oublier que ce groupe qui vise, il faudrait dire plutôt visait, à la suprématie dans le domaine de la communication audio et audiovisuel est l'enfant de ce qui s'appelait plus prosaïquement la Générale des Eaux. L'essentiel de la richesse colossale de ce groupe, jusque dans les années 1990, venait du monopole de la distribution de l'eau qu'il partageait avec la Lyonnaise des Eaux, dirigée elle pendant des décades par Jérôme Monod, devenu ces derniers mois le conseiller spécial de Chirac.

C'est par le racket des consommateurs pour la distribution de l'eau, grâce à la bienveillance des pouvoirs publics et des élus locaux, que des dizaines de milliards ont pu être amassés. Pour arrondir les résultats la Générale des Eaux a aussi contrôlé toute une série d'activités connexes, de génie civil, du bâtiment et des travaux publics, de construction, jusqu'aux pompes funèbres. Ce n'est donc pas " le libre jeu de la concurrence " qui a enrichi ce groupe, c'est le monopole qui lui a été concédé pour piller à sa guise les caisses publiques et les usagers. C'est dire si la prise en charge directe par la collectivité de l'ensemble de ces activités aurait permis et permettrait encore aujourd'hui d'économiser une part considérable de la rente attribuée à de tels requins, et donc de fournir l'eau et les autres services sans bénéfice, avec une meilleure qualité et à des prix bien plus bas que ce qu'ils sont aujourd'hui.

Et c'est en s'appuyant sur ce magot que, après Havas et Canal Plus, Messier est parti à la conquête du cinéma, de l'audiovisuel et des disques américains, espérant multiplier les capitaux investis. Des dizaines de milliards virtuels sont peut-être maintenant en train de disparaître dans cette opération.

Comme pour France Télécom, les sommes énormes, même par rapport au budget des Etats, que peuvent perdre les capitalistes à travers des spéculations hasardeuses, donnent un aperçu sur les richesses accumulées de cette classe parasite. De plus, dans le cas de France Télécom, il y a fort à parier que le poids de la dette finale soit au bout du compte supporté par l'Etat, qui en reste l'actionnaire majoritaire, même si l'action France Télécom est cotée à la Bourse. Le montant de la dette de France Télécom atteindrait 60 milliards d'euros, soit près de 400 milliards de francs, le quart du budget du pays.

France Télécom, qui remplissait une mission de service public avec le téléphone, a vu sa privatisation se mettre en place sous le gouvernement de gauche, et son capital ouvert au privé. Son PDG Michel Bon a eu le feu vert, donné par Jospin et ses ministres socialistes et communistes, pour se lancer avec l'argent des usagers et couvert par la garantie de l'Etat dans une boulimie d'achats spéculatifs en vue de mettre la main à des prix fous sur le maximum de réseaux téléphoniques. Le résultat aujourd'hui, ce sont des dettes abyssales à combler.

Qui payera ? Certains capitalistes qui avaient flairé la bonne affaire devront aller chercher ailleurs. D'autres qui ont vendu au bon moment empocheront leur mise. Mais ce mauvais scénario à la Dallas fera surtout des victimes parmi les consommateurs ou les salariés. Ceux de Vivendi, à travers les restructurations, les ventes de la partie d'activité originelle du groupe, pourraient avoir à payer de leur emploi les extravagances de leurs dirigeants ; tandis que les usagers de l'eau pourraient avoir à mettre la main à la poche pour combler le déficit par la hausse des prix de l'eau. De même, à France Télécom, après les hausses de prix de l'abonnement téléphonique imposées pour financer les activités du groupe, les suppressions d'emplois aggravées pourraient être la facture présentée aux salariés. Cela s'ajoute au jeu de dupes qui a consisté à faire pression sur eux pour l'achat d'actions de leur entreprise.

Quant au sort des dirigeants mis éventuellement de côté c'est un sort que tous les salariés pourraient envier, ainsi l'ex-dirigeant d'Universal s'était vu offrir par Vivendi une clause lui garantissant de toucher au moins 20 millions de dollars (140 millions de francs) en cas de licenciement ou de démission.

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