Madagascar : Une crise qui dure28/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1770.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Madagascar : Une crise qui dure

Partis de Paris dans un Falcon 900 à destination de Madagascar, douze mercenaires français ont été interceptés à Dar Es-Salaam par les autorités tanzaniennes. La France a formellement protesté par la voix du ministère des Affaires étrangères, disant qu'elle " ne saurait tolérer que son territoire soit utilisé pour des opérations de ce type ". Telle est la dernière péripétie de la crise malgache dans laquelle l'ancien dictateur Didier Ratsiraka, de passage à Paris, a été accusé d'être à l'origine de ce coup tordu qui a échoué.

Dans cette affaire, tout porte en effet à croire que l'ancien dictateur a bel et bien cherché à recruter des hommes de main pour encadrer ses milices, et ce avec la bienveillance du gouvernement français qui, malgré ses dénégations, n'a à aucun moment empêché le Falcon 900 de décoller de son sol. L'un des mercenaires à l'origine de l'opération est d'ailleurs un ancien adjudant-chef de la DGSE qui aurait déjà " travaillé " pour le président sénégalais Abdoulaye Wade pour mater une rébellion en Casamance, puis pour le dictateur congolais Sassou Nguesso, et se serait enfin retrouvé sous les ordres de Janou Lacaze, ancien chef d'état-major des armées françaises qui avait, un temps, vendu ses services au dictateur ivoirien Robert Gueï.

La solution de l'oua : un soutien déguisé à Ratsiraka ?

Censé trouver une issue à la crise politique malgache, le nouveau sommet africain d'Addis-Abeba du 22 juin dernier n'a pas vraiment débouché. Les chefs d'Etats de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) n'ont toujours pas réussi à imposer une solution négociée aux deux prétendants du pouvoir malgache. Le premier, Marc Ravalomanana, président élu, peine à se faire reconnaître sur la scène internationale, tandis que le second, Didier Ratsiraka, l'ancien dictateur, bénéficie du soutien de l'OUA où siègent nombre de ses amis dictateurs tels le congolais Denis Sassou Nguesso ou encore le gabonais Omar Bongo, deux très bons " amis " de la France.

Pour les chefs d'Etats africains " les élections tenues à Madagascar le 16 décembre 2001 n'ont pas abouti à un gouvernement légalement et constitutionnellement établi ". Ils proposent donc l'organisation " d'élections libres et transparentes pour permettre au peuple malgache de choisir son dirigeant " sous le contrôle de l'ONU, de l'OUA et de l'Union européenne ; laissant vacant " le siège de Madagascar à l'OUA " jusqu'à ce qu'une " solution soit trouvée ". L'OUA se refuse ainsi à cautionner le coup de force électoral de Ravalomanana, d'ailleurs absent du sommet. Didier Ratsiraka, quant à lui, s'est immédiatement rangé à l'avis de l'OUA.

Ravalomanana tente de légitimer son pouvoir

Sur le terrain, Ravalomanana a réussi à installer des gouverneurs qui lui sont fidèles dans quatre provinces sur six. Son offensive militaire remporte des succès et les troupes gouvernementales ont conquis plusieurs villes importantes sans coup férir. Cela a permis d'ouvrir un débouché maritime à Antananarivo et de desserrer ainsi le blocus économique qui l'étouffait. L'armée et les milices pro-Ratsiraka ne contrôleraient plus que les villes d'Antsiranana (ex-Diego-Suarez) et de Toamasina (ex-Tamatave), ce dernier chef-lieu de province étant le fief de l'ancien dictateur à partir duquel il avait lancé, il y a quelques mois, le blocus économique de l'île.

Ravalomanana cherche à légitimer à tout prix son pouvoir, à asseoir son autorité et à se faire reconnaître par les chefs d'Etats africains ainsi que par l'impérialisme. C'est dans ce sens qu'il a constitué un gouvernement de " réconciliation nationale " où ont pris place plusieurs personnalités modérées proches de l'ancien pouvoir. Ravalomanana s'appuie sur la même hiérarchie militaire, le même personnel politique, le même appareil d'Etat qui hier encore servaient la dictature de Ratsiraka.

Cette " réconciliation nationale " se réalisera si chacun trouve le moyen de préserver ses intérêts propres en même temps que ceux de la bourgeoisie malgache. Il est donc probable qu'elle se fasse sur le dos de la paysannerie pauvre des campagnes et de la population laborieuse des villes. La population de l'île, première victime de cette crise, ne peut rien attendre de bon, quel que soit le vainqueur.

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