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- Lutte ouvrière n°1770
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Leur société
Le plan de lutte contre l'illettrisme : Du vent !
Le ministre de l'Education nationale, Luc Ferry, vient de présenter son " plan d'action pour lutter contre l'illettrisme ". Ce problème est réel et grave. Il y aurait environ 5 % d'adultes considérés comme illettrés en France, maîtrisant mal la compréhension de textes simples et, parmi eux, la moitié sont d'origine étrangère.
Que propose le nouveau ministre pour remédier à cet état de choses ? Il a annoncé pour la prochaine rentrée un livret, distribué aux instituteurs, faisant état des difficultés rencontrées. Il a aussi annoncé un suivi des élèves dans le primaire, des classes expérimentales d'un effectif maximum de dix élèves ayant des difficultés de lecture, ainsi que le développement de l'informatique et l'orientation des élèves dyslexiques vers des établissements spécialisés.
Ce plan en cinq points est de la même eau que tous ceux qui ont été conçus auparavant - et quand on sait que Luc Ferry participait à l'élaboration des programmes sous le précédent ministère avec Allègre, puis Lang, au titre de responsable dans une commission ad hoc, cela n'a rien de surprenant. Comme ses prédécesseurs, Luc Ferry brasse du vent pour éviter de se donner les moyens matériels de s'attaquer véritablement au problème.
Les instituteurs ne l'ont pas attendu pour apprécier les difficultés des élèves, et pour assurer un suivi tout au long de leur scolarité. Quant aux classes " expérimentales ", elles visent à rechercher " s'il existe un noyau dur d'enfants en difficulté ", pas à y remédier ; de toute façon, avec 50 créations de ces classes sur toute la France (ce qui fait une moyenne d'une pour deux départements !), il ne faut pas s'attendre à des résultats même à l'échelle expérimentale. On nous ressort l'informatique, censée permettre aux élèves de devenir des champions de l'orthographe et de la lecture ; mais par quel miracle ? Reste le dernier point : orienter les élèves ayant des handicaps vers des établissements spécialisés... Encore faudrait-il qu'il en existe en fonction des besoins. Les enseignants sont tout à fait bien placés pour savoir que ce n'est pas le cas.
Au-delà de ces belles déclarations, comme pour les précédents plans de lutte contre l'illettrisme, il n'est pas question d'accorder des moyens supplémentaires. Tout au plus cinquante enseignants nommés pour une durée déterminée. Or, pour aider les élèves ayant des handicaps de lecture, il faudrait pouvoir les faire travailler par petits groupes, c'est-à-dire recruter massivement des enseignants, prévoir des locaux adaptés. Comment, en effet, un instituteur, qui a souvent affaire à plus d'une trentaine d'élèves dans sa classe, pourrait-il s'occuper de chacun et trouver le temps de se consacrer à ceux qui ont de grosses difficultés ? Le problème est particulièrement aigu pour les enfants des classes défavorisées - souvent doublement handicapés dans la connaissance du français lorsqu'ils sont en plus d'origine étrangère - et dont les parents n'ont pas les moyens culturels, sans même parler des moyens matériels, de remédier aux carences de l'Education nationale.