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Dans le monde
Qui aura les faveurs de l'armée ?
Marc Ravalomanana a installé à la tête de l'armée et de la gendarmerie des hommes qui lui sont totalement dévoués. Mais le contrôle des provinces sécessionnistes lui échappe encore. En tant que " chef de l'Etat et chef suprême des Forces armées ", le 7 juin dernier, il a annoncé que son gouvernement procéderait par la force au démantèlement des barrages sur toute l'étendue du territoire.
Ce discours intervient juste après une intervention des forces gouvernementales à Sambava, dans le nord-est de Madagascar, pour reprendre la ville aux partisans de Ratsiraka. Des combats ont fait plusieurs morts et blessés. Ravalomanana a renouvelé son appel à l'armée pour qu'elle rejoigne le nouveau pouvoir. Mais la partie est encore loin d'être gagnée.
L'armée malgache totalise 25 000 hommes dont un peu plus de la moitié sont des gendarmes. Début mars, 200 officiers ont ouvertement manifesté leur sympathie pour Ravalomanana dont une trentaine de généraux sur les quatre-vingts que comptent les Forces armées malgaches. Mais la majorité de ces officiers supérieurs sont issus de l'administration, et les militaires ralliés ont plus d'expérience dans les bureaux que sur le terrain. Selon des spécialistes militaires, seuls 10 % de l'armée seraient aptes au combat, soit 2 000 à 2 500 hommes ! Le nouveau ministre de la Défense nationale, le général Mamizara, a beau répéter que les militaires ont, dans leur grande majorité, voté Ravalomanana, la réalité est très confuse : certaines unités d'élites et forces d'interventions, les seuls vrais combattants, seraient toujours fidèles à Ratsiraka.
L'armée malgache est à peine mieux lotie que la population de l'île. Gangrenée par la corruption, elle peut rapidement changer de camp pour se mettre au service du plus offrant. Si une partie de l'armée a déjà choisi son camp, une autre reste toujours dans l'expectative, attendant de voir l'évolution de la situation. Ce soutien de l'appareil militaire est indispensable à l'un ou l'autre des prétendants pour imposer définitivement son pouvoir.
L'armée malgache ressemble plus à une armée de parade - c'est l'une des plus titrées du monde - qu'à une véritable force de combat capable de s'affronter à une force armée étrangère. Mais par le passé, elle a déjà fait " ses preuves " dans le maintien de l'ordre, tirant sur la foule, réprimant grèves et manifestations, arrêtant et torturant les opposants, rackettant la population pour améliorer sa solde. Jusqu'à présent, elle a garanti à la bourgeoisie malgache l'ordre social sur la Grande Île. Ravalomanana ou Ratsiraka n'ont pas d'autre objectif que le maintien de cet ordre social-là. L'appui de l'appareil militaire doit leur servir, non pas tant pour se combattre entre eux que pour disposer d'une force de répression apte à maintenir la population pauvre à sa place !
Aujourd'hui, les deux camps s'appuient aussi et surtout sur des milices qui pratiquent le chantage, la prise d'otages, le dynamitage, le kidnapping et l'assassinat politique. Ainsi les " Zatovo " sont des jeunes ratsirakistes qui sèment la terreur dans la province de Toamasina. Ailleurs, les milices pro-Ravalomanana utilisent absolument les mêmes méthodes et contribuent elles aussi à opprimer le peuple malgache.