Explosion d'AZF Toulouse : TOTAL coupable !14/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1768.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Explosion d'AZF Toulouse : TOTAL coupable !

A l'heure où nous écrivons, onze mises en garde à vue ont été prononcées contre des salariés d'AZF et d'entreprises sous-traitantes. Le procureur s'est défendu de cette mesure scandaleuse, en annonçant qu'il commençait par les " lampistes " mais que d'autres gardes à vue et mises en examen pour " homicide involontaire " devraient suivre dans les jours qui viennent, sans épargner les dirigeants de l'entreprise. On verra jusqu'où il ira. Toujours est-il qu'il est quand même scandaleux que des salariés soient mis en cause, alors que les responsables effectifs siègent dans les conseils d'administration et ont décidé froidement de prendre le risque de sacrifier la sécurité aux profits des actionnaires. Si le mot justice a un sens, ce devrait être aux dirigeants de Total d'être inquiétés.

La police judiciaire a remis un rapport d'étape de 49 pages aux deux juges chargés de l'enquête sur l'explosion d'AZF, le 21 septembre dernier, il y a plus de 8 mois, qui a fait 30 morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de sinistrés dans les quartiers populaires avoisinant l'usine.

L'enquête s'est intéressée à tous les scénarios possibles qui ont cours encore aujourd'hui (incendie, incident électrique, attentat, météorite, moteur d'avion, etc.) pour ne retenir finalement que la cause accidentelle, liée aux conditions de stockage de l'engrais déclassé, dans le hangar 221 qui a explosé.

C'est un produit chloré (un produit pour piscine fabriqué dans un autre secteur de l'usine), déversé sur les 300 tonnes de nitrates déclassés, qui aurait fait fonction de détonateur. L'expérience a été reproduite en laboratoire, dans les mêmes conditions que le 21 septembre et chaque fois l'explosion a eu lieu : autant jeter un mégot dans une corbeille à papier.

La direction de l'usine conteste les conclusions de ce rapport et nie notamment la manipulation qui a conduit à l'explosion. Elle met en avant sa propre enquête interne... qui en aurait encore " pour des mois " à conclure. Nier l'évidence, cela prend manifestement du temps.

Les dirigeants syndicaux de l'usine, de leur côté, se rangent aux arguments de la direction en disculpant par là même leurs propres dirigeants. Ils affirment aujourd'hui comme au lendemain de l'explosion que l'usine n'était pas une poubelle, que les règles de sécurité étaient respectées, que l'hypothèse de l'accident chimique a été privilégiée. Les travailleurs dans leur grande majorité disent de même.

En réalité, en défendant leur usine, en disculpant de fait Total, en se raccrochant désespérément à la thèse de l'attentat, de l'affaire d'Etat (" On nous cache la vérité ", etc.), ils croyaient défendre leur emploi. Même aujourd'hui que les dirigeants de Total ont décidé la fermeture définitive de l'usine, ils continuent malgré tout sur la même lancée. Pourtant ils savent très bien à quoi s'en tenir sur la manière dont la sécurité était traitée par les dirigeants successifs de l'entreprise : une politique de " risques calculés " comme ils disaient, la modernisation des installations de production d'un côté, mais la baisse continue des effectifs de l'autre, la chasse aux gains de productivité, l'utilisation constante de la sous-traitance, la chasse aux déclarations d'accident de travail avec arrêt, etc.

C'était dans ce hangar qu'étaient entreposés les produits déclassés. Un patron normalement constitué se soucie sans doute de la qualité de sa production qui fera ses futurs profits, mais quel patron se soucie de sa poubelle ? D'ordinaire on confie cela à une entreprise extérieure, qui elle-même utilise des intérimaires dont la paie est aussi légère que la formation à la sécurité. C'était le cas pour cette usine Grande Paroisse, filiale de TotalFinaElf, et c'est ce qu'ont fait remarquer les experts de la police judiciaire.

Il y a eu erreur de manipulation, c'est donc la direction de l'usine, soucieuse d'économies en tout genre, même au mépris de la sécurité, qui en porte l'entière responsabilité. La même direction qui, rappelons-le, quelques mois auparavant voulait réduire les effectifs des pompiers de l'usine. Et tout cela pour protéger les intérêts des actionnaires d'un trust qui croule sous les profits ! Dans cette société, les profits sont bien plus en sécurité que les travailleurs et les populations !

Aujourd'hui, huit mois après l'explosion de l'usine AZF, les près de 250 salariés de l'usine qui ne sont pas concernés par les mesures d'âge ou les mutations temporaires sont toujours dans le flou le plus complet. Vont-ils rejoindre à l'ANPE les dizaines de travailleurs sous-traitants qui ont déjà été licenciés, comme dernièrement les 36 manutentionnaires de la société TMG, licenciés avec deux mois de salaire en guise d'indemnités de licenciement ?

Dans un communiqué (non paru à ce jour) envoyé à la presse locale, notre camarade Anne-Marie Laflorentie a dénoncé en ces termes la situation faite aux travailleurs d'AZF :

" TotalFinaElf a fermé l'usine de Toulouse, peut-être plus tôt que prévu par les actionnaires qui estimaient que la branche engrais n'était pas assez profitable. Et aujourd'hui, on promet aux travailleurs d'AZF qui restent des reclassements virtuels dans une hypothétique entreprise de panneaux solaires.

Pourquoi virtuels ? Je rappellerai simplement que fin 1999, lors de la fermeture de l'atelier de câblage de Thomson-Toulouse, il a aussi été question de reclassement, et pour cela il a aussi été évoqué la possibilité d'implantation sur Toulouse d'une entreprise de fabrication de panneaux solaires, du nom de Tecstar-GRME. Mais la coquille est restée vide, et en décembre 2000... 100 travailleurs, dont moi-même, ont été licenciés. Le bluff aura duré deux ans.

Les " reclasseurs professionnels " manquent vraiment d'imagination, ou bien ils se moquent des travailleurs. Jouent-ils la montre jusqu'aux congés pour, en douce, faire de ces travailleurs de futurs chômeurs, à l'égal des travailleurs de la sous-traitance qui sont déjà à l'ANPE ?

Le trust TotalFinaElf est responsable et coupable de l'explosion pour avoir fait passer la productivité et la baisse des coûts de production avant la sécurité. Les pouvoirs publics sont responsables d'avoir laissé faire. Eh bien, plutôt que de lanterner les travailleurs avec des promesses bidons, que Total et les pouvoirs publics assument ! Qu'ils s'engagent à assurer le réemploi de tous les salariés du pôle chimique, ici, à Toulouse, sans perte de salaire, en créant et finançant les emplois nécessaires. "

Partager