Au 31 mai 2002, la direction du Centre de production de Sochaux - 17 000 salariés embauchés auxquels s'ajoutent plus de 3 000 intérimaires - va faire produire des modèles de 307, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, entraînant dans son sillage plusieurs entreprises de sous-traitants.

Le bouleversement des horaires a été préparé depuis plusieurs mois par la direction avec la caution de la plupart des syndicats, à l'exception de la CGT. Le but est la mise en place d'une équipe de VSD (vendredi - samedi - dimanche) qui vient compléter une équipe de nuit, déjà formée il y a 18 mois. Pour atteindre ces objectifs, la direction va contraindre deux équipes à travailler en 6 x 4, c'est-à-dire 6 jours de travail d'affilée pour l'équipe du matin (de 5 h 21 à 13 h 11) suivis de quatre jours d'après-midi (de 13 h 11 à 21 h 01).

Le directeur du site, lui, ne cache pas son bonheur : " Le VSD, c'est la possibilité de produire 1 400 307 de plus, chaque semaine, et d'atteindre notre objectif de 430 000 véhicules cette année "... " c'est la possibilité de créer 1 500 emplois et en travaillant 26 h 30 de gagner l'équivalent de 35 h de nuit, tout en développant un projet personnel ", ajoute-t- il !

En fait d'embauches, il s'agit du recrutement de 1 500 intérimaires dont la direction pourra se débarrasser en supprimant le VSD quand les ventes diminueront.

Même dans cette situation exceptionnelle de commande, la direction continue de réduire les effectifs stables. En effet depuis 1999, seuls 99 salariés sont passés de Contrat à Durée Déterminée en Contrat à Durée Indéterminée et, au final, les embauches sont inférieures aux départs des préretraités à 57 ou 58 ans.

La direction a beau diffuser sur papier glacé des déclarations enjolivées d'ouvriers du style " si j'ai choisi le VSD, c'est surtout pour me consacrer à mon fils " ou " le VSD me permettra de finir la restauration de ma maison ", dans les ateliers de production, ce n'est pas l'euphorie. Beaucoup de travailleurs craignent les semaines de 6 jours du matin et la fatigue. Les équipes de Maintenance vont, elles aussi, devoir travailler de nuit le samedi et le dimanche à raison de deux fois 13 heures.

La multiplication des horaires a été rendue possible, en fait, par la mise en place des 35 heures. C'est une exploitation renforcée et à marche forcée des travailleurs qui se met en place pour la recherche du profit immédiat, sans embauche, sans investissement, sans augmenter les salaires.

Dans cette course aux profits, chaque minute compte. La direction a décidé dans le même temps de s'attaquer aux trois minutes utilisées par les ouvriers des chaînes pour se rendre aux vestiaires en fin de poste. Elle impose que ces trois minutes soient désormais travaillées et que la production soit ininterrompue aux changements d'équipe : à raison d'une voiture produite chaque minute sur quatre équipes, la direction a vite chiffré ses gains.

Une centaine de travailleurs du Montage ont tenu à montrer leur mécontentement en débrayant, à l'appel de la CGT, la semaine précédant le début des nouveaux horaires.