Pas de trêve électorale pour les licenciements24/05/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/05/une1765.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pas de trêve électorale pour les licenciements

Une nouvelle vague de plans sociaux

La presse a beaucoup bavardé sur les 8 600 et quelques candidats qui brigueront les suffrages es électeurs lors des élections législatives. Elle est plus discrète sur le tort qui menace quelque 600 travailleurs dont les emplois risquent d'être emportés par une nouvelle vague de plans sociaux. Car, élections ou as, comme pendant la résidentielle, le patronat continue de faire déferler sur les travailleurs ses plans sociaux.

L'an dernier, c'était Marks Spencer, Moulinex, Air Liberté, LU-Danone. Cette année sont menacés 300 salariés d'Aspocomp (Eure), 350 de Ruwel (Bayonne), 500 de Bosch (Beauvais), 300 d'Alsavet Industries (Strasbourg), 38 de Solectron (Saint-Omer), 360 de Whirlpool et 100 d' Honeywell (toutes deux Amiens), 650 emplois dans trois entreprises de Soissons, 423 à Usinor de Biache-Saint-Vaast (victimes de la création du géant de l'aluminium Arcelor par l'actuel ministre de Économie, Francis Mer), 500 emplois à Valeo (Sissonne), 470 emplois à Sylea (groupe Valeo) à Labastide-Saint-Pierre, etc. Sans parler des sites qui sont en train de mourir lentement, comme le centre de recherche d'Aventis, à Romainville, ni des 1100 salariés du site d'AZF à Toulouse, qui va fermer.

Pendant les quatre mois qui ont précédé la campagne présidentielle, entre novembre et février, le ministère a recensé 446 notifications de plans sociaux, contre 262 un an plus tôt. Presque du simple au double !

A cela s'ajoutent des faillites d'entreprises : 42 grosses PME ont disparu cette année, contre 30 l'an dernier. Elles représentaient un chiffre d'affaires de 2,4 milliards d'euros, contre moins d'un milliard l'an dernier. Et au total, il y a 8 600 salariés dont l'emploi est menacé. C'est deux fois plus que l'an dernier.

Dans certaines régions, ces vagues de plans sociaux ont des effets dévastateurs, comme autour de Soissons, ou autour de Sarrebourg et Lunéville, où l'on subit maintenant le contrecoup du dépôt de bilan de Bata (530 travailleuses et travailleurs licenciés) ainsi que la fermeture de Flextronics (260 salariés).

Une émission de télévision est venue rappeler récemment comment le dépôt de bilan de Bata avait été mis au point secrètement par la direction du trust, avec l'aide de consultants qui ont minutieusement préparé la mise à la rue des salariés, choisissant la procédure du dépôt de bilan parce que la plus économique, présentant un repreneur bidon entièrement téléguidé par le licencieur, etc.

Mais, comme l'a fait remarquer un des consultants invités de l'émission, en fait, tous les plans sociaux sont ainsi minutieusement préparés. Il suffit d'ailleurs de lire les publicités des cabinets de consultants spécialisés dans le licenciement collectif et qui offrent leurs services aux chefs d'entreprise qui souhaitent jeter à la rue, en toute légalité, leurs salariés. On peut lire ces lignes chez l'un d'entre eux

« La mise en oeuvre de licenciements collectifs en France est un mécanisme extrêmement complexe générateur d'insécurité juridique. Toute erreur de procédure ou d'appréciation au fond (ordre et critères des licenciements, motivation, plan social...) peut entraîner des conséquences juridiques et financières très coûteuses (annulation de la procédure, réintégration du personnel licencié, dommages et intérêts) ». « Réintégration du personnel licencié » : on mesure toute l'horreur du propos, pour le chef d'entreprise qui s'apprête à se débarrasser de ses employés !

C'est peut-être complexe, mais la loi est du côté des licencieurs. La même émission montrait d'ailleurs une juge tout à fait sereine d'avoir proclamé, en droit, la mort de Bata. Et, face à cela, les salariés qui tentent d'en appeler aux pouvoirs publics pour entraver ces procédures apprennent bien vite que ceux-ci, comme la loi, sont dans le camp du licencieur, à qui ils laissent les coudées franches.

Après bien d'autres, les salariés d'Aspocomp, à Evreux, sont en train d'en faire l'expérience. Et, sur ce plan également, les élus de droite comme de gauche se valent. Durant la campagne présidentielle, ces travailleurs s'étaient invités à un meeting de Jospin, qui avait refusé de les recevoir. Ils ont rencontré, le 15 mai, Fillon, le nouveau ministre des Affaires sociales, qui leur a dit que « l'État ne pouvait pas se substituer à une entreprise privée ». En clair: comme Jospin, il laisse faire les licenciements. Quant à la tentative des travailleurs de cette entreprise de rencontrer le député-maire RPR d'Evreux, Jean-Louis Debré, elle a été houleuse et s'est terminée par l'intervention des CRS contre eux.

Au mieux, les pouvoirs publics veulent bien appuyer les cellules de reclassement, dont l'inefficacité est désormais légendaire : quelques dizaines de reclassés, par exemple, sur les 530 emplois supprimés chez Bata.

Alors, face à cette nouvelle déferlante de plans sociaux, qui menacent d'emporter à nouveau des milliers d'emplois, il faudra que la colère ouvrière éclate et impose, dans la loi et dans les faits, l'interdiction des licenciements.

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