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Occident « terre d'asile»? Le mirage et ses barbelés
C'est à l'occasion d'un match de football que des bagarres auraient éclaté et fait de nombreux blessés parmi des réfugiés du camp de Sangatte, près du tunnel sous la Manche, vendredi 17 mai. La presse a évoqué, à ce sujet, le rôle qu'auraient joué des mafias dressant des groupes les uns contre les autres.
C'est possible. Mais ce qui est certain, c'est que les conditions dans lesquelles on entasse ces réfugiés - ils sont plus de 1300 dans un camp prévu pour 800 personnes, nombre qui augmente de plusieurs dizaines chaque jour - et le sort auquel on les condamne ne peuvent que jeter ces réfugiés dans le désespoir. Car ce sont des gens qui ont fui la guerre, des dictatures, la misère (en Irak, en Afghanistan notamment). Des gens qui ont déjà tout quitté, ne gardant que l'espoir de trouver une vie meilleure en Europe occidentale, mais où nombre d'entre eux trouvent la mort en tentant de gagner l'Angleterre,
puisque, de ce côté-ci de la Manche, on leur refuse le droit d'avoir un travail, de s'installer, bref de vivre.
Déjà, pas moins de 400 gardes-mobiles et CRS surveillent en permanence les installations du port voisin et le site d'Eurotunnel pour en interdire l'accès. La SNCF a débloqué plusieurs millions d'euros pour enclore de barbelés son terminal et y installer des caméras de surveillance. En juin, ce sont 7,5 millions d'euros supplémentaires qu'on va débloquer pour rendre ces sites encore plus impénétrables aux réfugiés. Et, depuis les derniers incidents, un escadron de gendarmerie est venu renforcer les forces policières sur place.
L'Angleterre - que cherchent à gagner les réfugiés rackettés par des mafias de passeurs - ne cesse de réclamer la fermeture du centre de Sangatte. Le Premier ministre britannique, le « socialiste » Blair, vient d'annoncer que, lors du sommet de l'Union européenne qui se tiendra à Séville les 21-22 juin prochains, il réclamerait que ses homologues européens mettent comme premier point à l'ordre du jour la question du renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine. Blair a également demandé que l'Union européenne adopte de nouveaux moyens de rétorsion économique et financière contre les pays - parmi les plus pauvres au monde - d'où viennent ces immigrés s'ils ne faisaient pas tout pour les reprendre. A Séville, Blair et ses pareils trouveront aussi peut-être le temps d'aller faire un saut sur la côte, histoire d'y admirer les murs, tours de surveillance, radars et autres installations que l'Espagne d'Aznar y a installé pour s'opposer aux malheureux venus du Maghreb ou d'Afrique noire qui tentent de franchir le détroit sur des embarcations de fortune.
Evidemment, tous ces miradors, ces barbelés dont l'Europe se hérisse ne peuvent dissuader ceux qui n'ont plus rien à perdre, sauf leur vie. Ces obstacles supplémentaires ne font qu'alourdir le prix dont ils payent leurs tentatives et le nombre de ceux que l'on retrouve noyés sur les plages du sud de l'Espagne, que les trains écrasent dans le tunnel entre la France et l'Angleterre ou qui périssent de froid dans les Alpes en cherchant à échapper aux patrouilles.
Cela, les Blair, Chirac, Schrôder, Aznar et consorts le savent. Ils sont même bien placés pour savoir que le pillage de la planète par une poignée d'États nantis, dont ceux qu'ils dirigent, est directement responsable de la misère, de l'oppression qui règnent partout ailleurs et qui poussent ceux qui en sont victimes à tenter d'y échapper en gagnant ce havre de paix et de prospérité relatives qu'est l'Europe de l'Ouest.
Cela n'empêche pas ces dirigeants de ces nations que l'on dit grandes et civilisées, pour des raisons de politique intérieure, de tenter de détourner les critiques de leur opinion publique sur plus pauvres qu'elle en jouant du nationalisme, de la xénophobie, voire du racisme.