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Leur société
Un logement "social" qui le devient de moins en moins
On recense en France 3 millions de mal-logés,66 000 sans-abri, 200 000 personnes qui n'ont que des habitats de fortune. Et on construit de moins en moins de logements sociaux. De 80 000 par an au début des années 1990, on en arrive à 42 300 durant l'année 2000 et 56 000 en 2001, malgré cinq plans de relance depuis 1997.
L'argent ne manque pourtant pas. De 1993 à 2000, les sommes prévues à cet usage par le budget de l'Etat et par le « 1 % logement » n'ont jamais été totalement employées.
Non seulement l'argent destiné au logement social n'est pas entièrement utilisé pour construire, mais on préfère bâtir pour les classes moyennes plutôt que pour les plus démunis.
Il manque donc une volonté de mettre fin à cette pénurie scandaleuse. Les autorités et les responsables ne se soucient pas de loger les couches de la population ouvrière appauvrie par vingt ans de crise et de chômage. Elles préfèrent privilégier le logement des salariés plus stables et plus aisés, ceux qui sont plus solvables. Des décisions récentes illustrent cette orientation.
En avril dernier, les sociétés anonymes de HLM ont décidé d'adopter le nom d'« entreprises sociales de l'habitat » (ESH). Elles distribuent à leurs actionnaires des dividendes qui ne peuvent dépasser de 1,5 % le taux du livret A, et gèrent 1,8 million de logements, 42 % du parc HLM, les offices publics en détenant 2,1 millions, soit 54,5%.
L'abandon du mot HLM symbolise une nouvelle orientation vers les moins pauvres. Ces ESH veulent acheter des logements dans les quartiers et les communes chics, qui seront d'un rapport plus élevé et plus sûr. Mais cela ne créera pas un logement de plus.
Accessoirement, cela tirera d'affaire les communes qui se refusent à appliquer la loi qui imposa qu'il y ait 20 % de logements sociaux dans chaque ville, dans vingt ans. Elles disposeront de la sorte de quelques logements dits « sociaux », même si ceux-ci sont chers. Et les aides qu'elles leur consacreront permettront d'annuler l'amende annuelle de 150 euros par logement manquant que la loi leur impose. Ainsi par exemple, l'Immobilière 3F a acquis des centaines de logements à Saint-Cloud, Ville-d'Avray et Neuilly, des banlieues huppées de Paris.
Pour les zones « sensibles », on envisage de démolir les grands ensembles et de les remplacer par de petits immeubles, avec pour objectif de changer l'ambiance du quartier. Mais, du coup, le nombre de logements serait brutalement réduit et la population en place obligée de déplacer ailleurs sa pauvreté et ses problèmes.
Enfin ces ESH veulent se lancer dans l'accession à la propriété, se transformant en organismes de promotion immobilière pour les salariés les plus solvables.
Ces orientations rencontrent les objectifs de la « Foncière 1 % », créée en octobre 2001 par l'UESL (Union d'économie sociale pour le logement), qui réunit les collecteurs du « 1% logement» (qui ne représente plus aujourd'hui que 0,45 % de la masse salariale des entreprises de plus de dix salariés). L'UESL est gérée paritairement par le Medef et les organisations syndicales. Mais elle n'utilise pas la moitié des logements « réservés » et dispose de fonds très importants.
Cette Foncière 1 %, comme les ESH, veut racheter des logements dans les communes résidentielles, démolir beaucoup et reconstruire peu dans les zones pauvres.
Ces restructurations en cours ou en projet dans le secteur du logement social vont aboutir à ce que les travailleurs les plus pauvres soient confinés dans les HLM actuels où se concentre la misère, tandis que les autres organismes se disputeront les locataires solvables.