Quand la politique anti-immigrés fait le lit de l'extrême droite10/05/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/05/une1763.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Elections présidentielles

Quand la politique anti-immigrés fait le lit de l'extrême droite

Depuis plus d'une vingtaine d'années, les différents gouvernements, de gauche comme de droite, ont mené la même politique à l'égard des travailleurs immigrés.

Au début des années quatre-vingt, le gouvernement socialiste de Mauroy s'en était pris aux grévistes de Citroën, affirmant qu'ils étaient manipulés par les ayatollahs, distillant ainsi le poison xénophobe dans les rangs ouvriers. Le gouvernement Fabius prit la relève et renforça les pouvoirs de police et de contrôle sur les étrangers qui souhaitaient acquérir la nationalité française. La « loi Dufoix » restreignit le regroupement familial, ne renouvelant automatiquement le titre de séjour de dix ans qu'aux seuls étrangers résidant depuis plus de trois ans en France.

Le gouvernement Chirac de 1986 multiplia les attaques contre les travailleurs immigrés. Ministre de l'Intérieur, Pasqua se distingua : délai de naturalisation par mariage porté à un an (il était de six mois auparavant), multiples obstacles à l'entrée en France des étrangers, facilités de reconduite immédiate à la frontière en cas de « menace à l'ordre public ». Il renoua avec les méthodes expéditives en expulsant par charter 101 travailleurs maliens.

De retour aux affaires, les gouvernements socialistes de Rocard et de Cresson firent dans la continuité. Rocard y alla de sa « petite phrase » sur la France incapable « d'accueillir toute la misère du monde » ; ou encore la surenchère verbale d'Edith Cresson. Décrets et circulaires durcirent la réglementation à l'égard des étrangers : certificat d'hébergement délivré au compte-gouttes, carte de séjour des étudiants conditionnée aux résultats et même politique d'expulsions par charters.

Puis de nouveau la droite gagna les élections et le gouvernement Balladur s'installa à Matignon... et Pasqua au ministère de l'Intérieur. Ce gouvernement s'illustra par les fameuses « Lois Pasqua » : le délai de naturalisation d'un conjoint étranger fut porté à deux ans, la démarche volontaire pour acquérir la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers devint obligatoire, les contrôles d'identité furent renforcés, le droit d'asile fut restreint, et les zones d'attente dans les lieux de passage internationaux mises en place. Les lois Toubon et Debré apportèrent un tour de vis supplémentaire à ce dispositif. Ne voulant pas être en reste à l'égard de son ami Pasqua, Debré illustra « sa méthode » de gouvernement en expulsant manu militari les sans-papiers qui occupaient l'église Saint-Bernard.

Jospin avait fait campagne pour l'abrogation des « lois Pasqua-Debré », en 1997. Mais une fois élu, il oublia ses promesses. Son ministre de l'Intérieur Chevènement régularisa quelques dizaines de milliers de sans-papiers, mais il en laissa sur le carreau plus de 60 000 qui avaient eu le tort de croire en ses promesses et qui s'étaient déclarés en préfecture !

Parallèlement, Chevènement aggrava encore la situation des travailleurs immigrés : rétention administrative rallongée, reconduites à la frontière et expulsions facilitées. Les centres de rétention (plus d'une vingtaine dans tout le pays), où croupissent dans des conditions scandaleuses les étrangers en attente d'être expulsés, ne furent jamais remis en cause par le gouvernement Jospin.

Toutes ces lois répressives anti-immigrés, prises sans discontinuer depuis deux décennies, ont fait le lit des idées de l'extrême droite. En s'attaquant ouvertement à la fraction immigrée de la classe ouvrière, à sa partie la plus démunie et la plus faible, les Chirac, Balladur, Juppé et Jospin s'attaquent à l'ensemble du monde du travail.

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