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Leur société
Le vote Chirac ne sera pas sans conséquences pour les politiciens de gauche
Nombre de ceux qui ont voté Chirac pour, pensaient-ils, barrer la route à Le Pen , du moins ceux qui se réclament de la gauche, se disent que leur vote serait sans conséquences pour l'avenir puisqu'il suffit pour le corriger, voire l'annuler, de voter de nouveau à gauche dans quelques semaines ou bien de manifester le soir du scrutin, en s'étant lavé les mains pour avoir touché un bulletin Chirac. Ils s'imaginent que les élections seraient une sorte de jeu de l'oie et qu'il suffirait de jeter de nouveau les dés pour espérer se retrouver à la case départ. Mais les choses ne se passent pas comme cela.
Car quand les dirigeants des partis qui se proclament de gauche, étiquette on ne peut plus floue, surtout lorsque des hommes comme Chevènement, Strauss-Kahn, Fabius s'en revendiquent, ont matraqué à coups redoublés l'idée que Chirac est un « républicain » - ce qui ne veut rien dire -, un « démocrate » - ce qui ne signifie pas plus -, cela laisse des traces dans les esprits. Cela renforce l'idée qu'entre la droite chiraquienne et cette gauche, il n'y a pas de différence essentielle, pas de frontière et que l'on peut indifféremment choisir les uns à la place des autres.
Cela ne peut manquer de semer le trouble parmi les militants et les sympathisants proches. A ceux-là, on peut encore expliquer les méandres de choix prétendument tactiques. Mais aux autres ? Ceux-la' c'est-à-dire des millions d'électeurs, eux, n'ont pas d'autres moyens de se repérer que ce que leur disent les dirigeants. C'est le cas en particulier des jeunes qui n'ont pas connu dans le passé le couple Chirac-Pasqua qui faisait expulser il y a quelques années par charters entiers des sans papiers, ce Chirac des « bruits et des odeurs», qui ne sont pour eux que les paroles d'un refrain de Zebda que les sonos des manifestations leur envoient dans les oreilles - un refrain qu'on a d'ailleurs bien moins entendu ces dernières semaines. Ces jeunes, qu'ont ils pu retenir ou apprendre ?
La béatification de Chirac comme l'homme providentiel qui a fait barrage à Le Pen, aboutit à repeindre en tricolore la matraque que Sarkozy menace d'utiliser demain contre les jeunes des banlieues, ou à revêtir d'un accoutrement de sauveteur de l'emploi l'homme du Medef, ex-Pdg d'Usinor et de Saint-Gobain Pont-à-Mousson, que Chirac vient de choisir comme ministre de l'Economie et des Finances.
Le rôle de dirigeants politiques dignes de ce nom aurait été au moins de dire ce que signifiaient réellement les résultats du premier tour, sans fard, sans bluff, et d'expliquer pourquoi cela s'était passé ainsi. Il aurait été de définir les responsabilités de chacun, et surtout les leurs, et d'en tirer les leçons pour l'avenir. Il aurait été bien plus utile d'expliquer ce qui allait se passer, de façon à ce que les travailleurs, les jeunes, soient sur leurs gardes. Certes, cela aurait signifié remettre en cause leur propre politique. Mais les résultats du 21 avril ne mettaient-ils pas à l'ordre du jour ce bilan ?
Mais comme à chaque fois, ils ont choisi de mentir au lieu d'éclairer leur démission politique de ces jours derniers, ils risquent donc de la payer électoralement dans un avenir très proche. On ne les plaindra pas car, après tout, ils ne récolteront que ce qu'ils ont semé. Plus graves sont les responsabilités qu'ils ont prises dans la démoralisation et la désorientation de l'opinion qui les a crus et qui risque de ne plus s'y retrouver. Et c'est en cela que le vote du 5 mai peut avoir des conséquences négatives, pas seulement pour les politiciens de gauche, mais malheureusement aussi pour l'avenir de la population laborieuse.