Le plébiscite de Chirac, candidat de la droite et de la gauche réunies10/05/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/05/une1763.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Elections présidentielles

Le plébiscite de Chirac, candidat de la droite et de la gauche réunies

Jacques Chirac a donc été triomphalement élu avec une majorité qui dépasse, et de loin, les scores obtenus par de Gaulle en personne dans ses plébiscites. De 5 665 856 voix, c'est-à-dire 19,88 des exprimés et 14 seulement des inscrits, au premier tour, il passe à 25 540 874 voix, soit 82,21 % des exprimés et 62,01 des inscrits, au deuxième tour.

Le Pen, de son côté, a totalisé 5 525 907 voix (17,79% des exprimés et 13,42% des inscrits) et a gagné certes 721 194 voix par rapport à son score du premier tour, mais il n'a progressé que de 54 168 voix par rapport à l'ensemble des votes Le Pen + Mégret.

Ces chiffres confirment que le score obtenu par Le Pen est très inférieur à l'addition des voix obtenues par Chirac et par Bayrou, Madelin et Lepage, (9 264 346 voix au total). Ce qui signifie que, sans même tenir compte de Boutin et Saint-Josse qui avaient appelé eux aussi à voter Chirac, ce dernier l'aurait emporté haut la main face à Le Pen rien qu'avec les votes de la droite. Ce constat fait le deuil de la campagne de mensonges de toute la gauche, une partie de l'extrême gauche incluse, présentant le vote pour Chirac comme le seul choix pour empêcher Le Pen d'arriver à l'Elysée. Ces chiffres confirment aussi que c'est à l'apport de la gauche précisément que Chirac doit d'avoir plus que doublé les votes en sa faveur. Il a bénéficié directement de l'appel des dirigeants du PS, du PC et des Verts à voter Chirac, mais aussi de la mobilisation plus grande de l'électorat - les abstentions sont passées de 28,4 % le 21 avril à 20,29 % le 5 mai - à laquelle la gauche a largement contribué.

A en juger par la seule arithmétique électorale, l'appel à «Faire barrage à Le Pen dans les urnes » n'a nullement affecté l'électorat de Le Pen puisque celui-ci récupère, et légèrement au-delà, les votes d'extrême droite du premier tour. En revanche, il a contribué à hausser sur un piédestal Chirac en multipliant son score par plus de quatre.

Sur le plan politique, le bilan est encore plus désastreux. En menant la campagne électorale d'un Chirac qui n'a même pas fait mine de lui en être reconnaissant, la gauche a marché sur son propre programme sans même pouvoir espérer que cela lui porte bonheur. Elle a démontré le peu de cas qu'elle fait elle même de ce qui la sépare de la droite, comme le peu de cas qu'elle fait des électeurs en disant pis que pendre de Chirac avant le premier tour, pour ensuite l'encenser quinze jours durant comme le sauveur de la démocratie, et enfin pour geindre après le deuxième tour parce que Chirac a composé un gouvernement à sa botte et affiche sa volonté de gouverner à droite.

Et on ne peut même pas dire qu'en s'aplatissant devant Chirac, la gauche a affaibli un tant soit peu l'extrême droite. Au contraire, en tissant à Le Pen l'auréole d'un homme « seul contre tous » et opposé à tous ceux qui, de droite ou de gauche, ont participé au gouvernement au long du quart de siècle passé, elle a contribué à introniser Le Pen comme chef de l'opposition « au système » alors, pourtant, qu'il en fait partie politiquement et que, socialement, il en est un des pires représentants.

Pour notre part, tout en appelant à refuser le vote pour Le Pen, nous avons refusé de nous abaisser à faire voter pour Chirac et avons appelé à voter blanc ou nul. Il ne faut pas tirer des conclusions exagérées du nombre des votes blancs et nuls. En passant cependant de 997 262 à 1 764 720, les votes blancs et nuls ont augmenté de 776 458 voix, c'est-à-dire sont passés de 3,38 % à 5,40 %. La progression de ces votes par rapport au premier tour est modeste, même si on tient compte du fait qu'elle résulte d'un double mouvement car une partie de ceux qui, au premier tour, ont voté blanc ou nul, ont voté pour l'un des deux candidats en présence au deuxième. En outre, au-delà de ces moyennes nationales, il y a une diversité s'exprimant par le fait que, dans une dizaine de départements, les votes blancs et nuls ont dépassé 7 %. Ce pourcentage est sans doute faible, mais ces centaines de milliers de personnes qui, tout en s'opposant à Le Pen, ont refusé d'accorder leurs voix à l'homme du patronat Chirac, représentent autant de choix individuels, autant de prises de position qui compteront pour l'avenir.

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