Argentine : On change de ministre de l'économie et on continue de s'enfoncer dans la crise10/05/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/05/une1763.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : On change de ministre de l'économie et on continue de s'enfoncer dans la crise

Fin avril, Remes Lenicov, ministre de l'Economie du gouvernement argentin que préside le péroniste Duhalde, a démissionné après le refus de la Chambre des députés de lui permettre de convertir une partie des dépôts bancaires en bons du Trésor, c'est-à-dire en « monnaie de singe » sans valeur. Plusieurs autres ministres l'ont suivi. C'est la première crise politique que traverse le régime mis en place après les émeutes qui ont secoué l'Argentine à la fin de l'année dernière.

Le nouveau ministre de l'économie, Roberto Lavagna, est un économiste péroniste qui a déjà travaillé, comme haut fonctionnaire, avec les gouvernements radicaux, aussi bien le gouvernement Alfonsin que le gouvernement De la Rua, chassé par la rue fin décembre.

Si les ministres changent, la situation, elle, ne change guère et reste extrêmement difficile. Des centaines de milliers de travailleurs ont perdu leur emploi depuis le début de l'année. Il faut maintenant trois pesos pour acheter un dollar. L'inflation est de 10 % ce mois-ci et, en chiffres cumulés, depuis janvier les prix ont augmenté de 20 %. Les produits de première nécessité ainsi que les médicaments continuent de manquer. La vie est extrêmement difficile, dans la mesure où les patrons ont pris du retard dans le paiement des salaires. Les services publics, école, transport, sont en faillite, car l'Etat comme les gouvernements des provinces n'ont plus d'argent.

Mais le nouveau ministre de l'Economie n'est pas là pour donner la priorité à ces problèmes qui aggravent les conditions d'existence des classes laborieuses. Il vient tenter, comme ses prédécesseurs avant lui, de convaincre les banquiers du monde impérialiste de renouveler les prêts dont a besoin l'économie argentine pour tourner un peu, handicapée qu'elle est par les ponctions qu'y font aussi bien les financiers internationaux que les représentants de la bourgeoisie nationale, dont les conditions d'existence, elles, ne se sont pas détériorées du tout.

Les banquiers prêteurs exigent que l'Etat argentin fasse la preuve qu'il peut serrer les cordons de la bourse, faire accepter à la population de nouvelles mesures d'austérité et garantir le remboursement des prêts, avec leurs intérêts. L'Etat argentin a d'autant plus de mal à faire cette démonstration que ses marges de manoeuvre sont réduites et qu'il doit tenir compte des réactions de la population, une donnée qui n'émeut guère les dirigeants du monde impérialiste.

Colin Powell vient de lancer en direction des dirigeants des pays d'Amérique latine un rappel à l'ordre sur les réformes qu'ils doivent mener à bien s'ils veulent « défendre la démocratie ». La démocratie dont il est question, ce sont les conditions qui permettront le « retour des investisseurs ». Et pour cela, il demande aux dirigeants de ces pays de baisser les impôts, réformer les retraites, réduire tous les systèmes qui régulent l'économie, en bref, rendre plus faciles encore les prédations du capital financier, justement ce qui a mis à genoux l'Argentine.

C'est plus facile à dire à Washington qu'à faire à Buenos Aires. Duhalde avait promis de mettre fin au « corralito », c'est-à-dire le contingentement des retraits bancaires, une mesure réclamée par les classes moyennes mais qui pour l'instant reste une promesse non tenue ; et qui reste à l'ordre du jour, puisque le nouveau ministre parle d'en finir d'ici deux mois. Le ministre de l'Economie parle aussi de baisser les impôts indirects en diminuant la taxation des produits, ce qui desserrerait un peu l'étau qui étrangle les classes populaires. A condition que cela se fasse.

Car le nouveau ministre entend, lui aussi, d'abord substituer aux économies des épargnants les mêmes «bons du Trésor » qui ont fait chuter son prédécesseur. Cet expédient est apparemment le seul moyen imaginé par l'Etat argentin pour soulager les banques d'un endettement, généré pour l'essentiel par les spéculateurs, nationaux ou internationaux. Autant dire que les chances d'aboutir du nouveau ministre sont minces.

Les démissions de ministres de l'Economie avaient rythmé la déconfiture du régime précédent, qui a fini chassé par la rue. Duhaide semble prendre le même chemin.

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