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- Lutte ouvrière n°1761
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Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : Grève pour les 1000 F
Début avril étaient prévues les négociations salariales annuelles. Depuis plusieurs semaines, cela alimentait une bonne part des discussions dans les ateliers, à bord et dans les bureaux. Cette année étant celle de la plus grosse charge de travail jamais connue aux Chantiers, beaucoup de travailleurs avaient le sentiment que c'était le moment de frapper fort sur les salaires.
Beaucoup de jeunes avaient en tête le conflit de l'année précédente : après dix jours de débrayages encadrés par les syndicats, la grève partie des travailleurs d'un secteur s'était généralisée. En deux jours et demi, elle avait fait reculer le patron sur les différences de salaires entre les jeunes embauchés et les autres : les jeunes avaient alors bénéficié d'environ 10 % d'augmentation.
Mardi 9 avril, à l'annonce de 1,4 % d'augmentation générale avancée par le patron, l'intersyndicale CGT-CFDT-FO-CFTC appelait à un débrayage de deux heures le lendemain. Celui-ci rassembla 1 500 travailleurs sur 4 600. Aux meetings, alors que les jeunes demandaient à partir en grève immédiatement, l'intersyndicale temporisait.
C'est une équipe de nuit qui, ne respectant pas les mots d'ordre syndicaux, se prononça à l'unanimité pour la grève immédiate et l'étendit à l'ensemble des secteurs de production de nuit, puis de jour. Pendant une semaine, la grève s'est reconduite jour après jour, à la seule initiative des ouvriers et malgré l'opposition ouverte des organisations syndicales.
Au nom de l'intersyndicale, et forts de leurs résultats aux élections professionnelles (78 % au 1er collège), les dirigeants de la CGT n'ont cessé de monter au créneau pour tenter de refroidir l'ardeur des grévistes. Durant toute la semaine, ils n'ont fait qu'appeler à des débrayages ponctuels ou tournants, en invoquant le caractère minoritaire de la grève, et en insistant pour que " la démocratie et la discipline soient respectées ".
Les syndicats se refusant à organiser la grève, les grévistes ont pris l'initiative de bloquer l'approvisionnement du site et de faire régulièrement " la tournée des popotes ", pour s'assurer que leurs secteurs de production ne tournaient pas.
Mardi 16 avril, au quatrième jour de grève, la direction annonçait une rallonge de 0,1 % et la clôture des négociations. Cette provocation fit encore monter la colère d'un cran. Le lendemain, les plus déterminés d'entre nous bloquèrent la majeure partie des accès au site. Ceux qui tenaient à se rendre au travail (en particulier les 6 000 travailleurs sous-traitants) pouvaient le faire, mais plus de 2 000 grévistes (sans compter tous ceux qui n'ont fait que passer au meeting) se sont rassemblés devant l'entrée principale. L'habituel appel à débrayer quelques heures a dû être lu à la tribune par le dirigeant de la CGT, puisque personne n'était allé jusqu'aux vestiaires où il était affiché. Lors du meeting, nombre de voix se sont élevées parmi les grévistes pour exhorter la CGT à prendre résolument la direction de la grève et à l'organiser. Pour seule réponse, les dirigeants syndicaux ont quitté la tribune sous les huées et les insultes.
C'en était trop pour l'intersyndicale. En cours de journée, elle annonçait pour le lendemain un vote à bulletin secret de l'ensemble du personnel sur la poursuite de la grève. Les grévistes les plus déterminés ont tout de suite compris la manoeuvre mais n'ont pas voulu s'y opposer.
Jeudi 17 avril, jour du vote, fut aussi une journée de grève. Mais l'ambiance n'y était déjà plus, tant le résultat de la consultation semblait évident, compte tenu de la participation des centaines de techniciens et cadres non grévistes. Sur 2 000 votants, 400 étaient d'accord avec les propositions de la direction, 200 sans être d'accord voulaient en rester là, 1 000 optaient pour des actions de protestation ponctuelles jugées plus " économiques " et 400 se prononçaient pour la poursuite de la grève totale.
Forte de ce résultat, l'intersyndicale reprit alors l'initiative à la fraction des grévistes les plus déterminés qui jusque-là avaient entraîné la majorité des travailleurs. Vendredi 18, elle obtenait la reprise du travail et organisait des débrayages tournants, qui se prolongèrent la semaine suivante. Des débrayages qui commencèrent avec une participation deux fois plus faible que lors de la grève, et qui ne cessent de baisser.
Malgré cela, la grève des travailleurs des Chantiers de l'Atlantique a été un sérieux avertissement pour le patron, même s'il n'a rien cédé. Il ne perd peut-être rien pour attendre. La revendication de 1 000 F reste inchangée et, tôt ou tard, elle resurgira.