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Elections présidentielles
"tout ou rien" ?
Le quotidien Le Monde a déjà consacré un article, le 6 avril, à tenter de démontrer qu'à force d'être partisans du " tout ou rien ", les députées Lutte Ouvrière au Parlement européen se seraient abstenues ou auraient voté contre des résolutions qui allaient dans le sens des travailleurs.
C'est passablement stupide car, bien sûr, nos élues votent le peu qui va dans le sens des travailleurs. Mais il se trouve que, si une multitude de résolutions sont soumises au vote de ce moulin à paroles sans pouvoir qu'est le Parlement européen, la plupart ont pour objet de déblayer le terrain pour les affaires de ces messieurs les capitalistes des différentes nations européennes en harmonisant les règlements, le fonctionnement du marché, etc. Nos députées ne participent évidemment pas aux votes concernant le fonctionnement et la gestion du système capitaliste à l'échelle de l'Europe, si ce n'est pour dire tout le mal qu'elles en pensent. Bien peu de votes sont consacrés aux travailleurs et quand il y en a, comme par exemple pour le travail de nuit des femmes, les travailleurs n'ont vraiment pas à s'en féliciter !
Voilà que le 15 avril L'Humanité en remet une couche. Elle consacre ce jour-là une pleine page aux prises de position de nos représentantes au Parlement européen (ainsi qu'à ceux au Conseil régional d'Ile-de-France). L'article ne vaut pas mieux que celui du Monde, avec quelques mensonges en plus.
Sur la taxe Tobin
Le PC continue à nous reprocher de ne pas avoir voté un texte concocté en collaboration avec le PS, les Verts, mais aussi Bayrou et les amis de Pasqua, dont un paragraphe demandait à la Commission européenne une étude de faisabilité sur la taxation des capitaux spéculatifs. Les autres paragraphes précisaient tout le bien que les auteurs pensent du système capitaliste et du marché financier international.
Nous avons évidemment refusé de participer à ce consensus pour glorifier le capitalisme. De surcroît pour rien, car le Parlement européen n'a pas le pouvoir de décider même la modeste taxe Tobin. Que les députés du PC aient voté ce texte, cela montre seulement que le PC est tombé bien bas. Jusque-là, on est encore dans le désaccord politique. Mais là où L'Humanité ment, c'est quand elle prétend que ce sont les trois voix de Lutte Ouvrière qui ont manqué pour que le Parlement européen adopte ce texte. Les auteurs de l'article oublient simplement de préciser qu'ont manqué bien d'autres votes de députés qui, contrairement à nous, prétendaient que ce texte était très important. À commencer par le groupe parlementaire de la GUE, dont fait partie le PC, qui comptait neuf absents dont Robert Hue. Il est vrai que Robert Hue avait quelque chose de plus important au même moment : il sablait le champagne à une fête organisée par son camarade-ministre Gayssot, en compagnie, entre autres, de Lagardère, le PDG de Matra et Hachette. Le groupe des Verts, sans même parler du Parti Socialiste, co-auteurs du texte, comptait encore plus d'absents. Il faut croire qu'ils n'accordaient pas à ce texte une bien grande importance... en dehors du fait d'en faire un objet de polémique contre nous.
Pour être plus démonstratifs, les auteurs prêtent à Arlette Laguiller cette affirmation " On n'est pas là pour réformer le capitalisme. Taxer le capital est dérisoire. Il faut le détruire ". La citation est aussi bête que mensongère. Mais le PC, dont les ministres ont cautionné toutes les baisses d'impôt sur les bénéfices des sociétés et sur les hauts revenus, tous les cadeaux aux grands patrons, aurait du mal à nous présenter comme des adversaires - fût-ce par excès de radicalisme - d'une forte imposition des bénéfices des grandes entreprises et des hauts revenus.
Sur la privatisation de La Poste
L'Humanité prétend que, après avoir voté la motion de rejet global proposée par la GUE mais non suivie par le Parlement, nos élues se sont " désengagées, se contentant de voter contre la résolution finale ". C'est faux. Même dans le détail : nos élues auraient évidemment voté contre une résolution envisageant la privatisation de La Poste, mais elles n'en ont pas eu plus la possibilité que les élus du PC pour la bonne raison qu'il n'y a pas eu de vote de la résolution finale à ce stade de la procédure parlementaire.
Il est vrai, en revanche, que nos élues ont refusé de voter les amendements de compromission car ils avalisaient tous la privatisation et ne discutaient que du seuil pour son application. Les élus du PC, eux, ont fait le choix en votant ces amendements, d'accepter en fait la privatisation. Il est vrai que ces députés n'ont pas plus trahi les intérêts des travailleurs de La Poste que Jean-Claude Gayssot qui, lui, a signé les décrets portant sur " l'ouverture au capital privé " d'un certain nombre d'entreprises dont Air France et, tout récemment, de la Snecma.
Sur le salaire des chauffeurs-routiers des pays de l'Est
L'Humanité affirme que nos trois camarades se sont abstenues sur un texte proposant l'alignement des salaires des chauffeurs-routiers de l'Est sur ceux de l'Ouest. L'Humanité ne cite pas le texte en question. Et pour cause, il n'existe pas !
Sur la reconnaissance du génocide arménien
D'après L'Humanité, nos élues auraient adopté une position qui " scandaliserait jusqu'à des militants de LO ", en s'abstenant sur un amendement reconnaissant le génocide arménien. Passons sur la fine connaissance des rédacteurs sur les sentiments des militants de LO ! Ils seraient mieux avisés de respecter les lecteurs de leur propre journal à qui ils dissimulent le fait que, si les élues Lutte Ouvrière se sont abstenues sur cet amendement, c'est parce qu'elles en ont voté un autre qui reconnaissait le génocide de façon bien plus catégorique et sans y ajouter des considérations vaseuses pour ménager le gouvernement de la Turquie.