" Les capitaux s'évaderont" ? Voire... Mais pas les usines, pas les machines !05/04/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/04/une1758.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

" Les capitaux s'évaderont" ? Voire... Mais pas les usines, pas les machines !

L'un des arguments avancés pour discréditer le mot d'ordre d'interdiction des licenciements collectifs, c'est que si l'on imposait une telle mesure, les capitaux prendraient la fuite à l'étranger. Laurent Joffrin, dans le Nouvel Observateur, écrit : " Arlette demande qu'on interdise les licenciements. Le calcul est impeccable. Empêchées d'ajuster leurs effectifs à leur production, les entreprises partiraient à l'étranger ou mettraient progressivement la clé sous la porte. "

À chaque fois que la classe ouvrière a réclamé des mesures, des garanties améliorant ou protégeant son niveau de vie, les capitalistes ont crié à la ruine de l'économie, à la faillite de la société. Si on les avait écoutés, il n'y aurait jamais eu d'augmentation de salaires, de congés payés et on continuerait à travailler 60 heures par semaine. En Mai 1968, par exemple, il y a eu 35 % d'augmentation du SMIG (le salaire minimum de l'époque) et de 10 % des salaires réels. L'économie s'est-elle effondrée, les capitalistes ont-ils déménagé avec leurs usines à l'étranger ? Il n'y a rien eu de cela. Les profits des capitalistes leur permettaient d'encaisser de telles augmentations de salaires. Les patrons ont d'ailleurs été soulagés de s'en tirer à si bon compte face à une grève générale, finalement bien canalisée par les centrales syndicales ouvrières, à l'unisson dans cette tâche. Si les ouvriers de l'époque avaient cru aux arguments des Laurent Joffrin et consorts de l'époque, ils n'auraient rien réclamé et rien obtenu.

Il en va de même aujourd'hui. Les profits et les revenus des patrons atteignent des sommets. Les revenus des plus grands patrons ont progressé en moyenne de 36 % l'an passé. Quelle que soit la conjoncture, ils savent augmenter leurs revenus ainsi que ceux de leurs actionnaires. Les groupes comme Michelin, Danone, Alstom, Alcatel n'auraient pas les moyens de maintenir les emplois et les salaires ? À d'autres !

La fuite des capitaux ? Cet argument est ressassé. Si une telle fuite se fondait sur la chasse aux pays qui pratiquent les bas salaires, ou le droit de licencier à qui mieux-mieux, tous les capitaux fuiraient massivement non seulement la France, mais l'Allemagne ou les Etats-Unis pour tous aller en Sierra Leone ou en Malaisie. Mais les capitalistes savent aussi qu'en dehors même des coûts de transports de la matière première et du rapatriement des produits finis, la productivité est plus basse dans ces pays faute d'infrastructures et que la main-d'oeuvre, bien qu'exploitée de façon sordide, est aussi moins formée, donc moins rentable que dans les pays industrialisés.

D'ailleurs, contrairement à l'idée, intentionnellement répandue, la France est un pays où les capitalistes font des bonnes affaires et où la fiscalité leur est avantageuse. La preuve ? C'est que 40 % de la capitalisation boursière de Paris est constituée de capitaux étrangers. Pour l'instant, c'est plutôt le débarquement que la fuite des capitaux.

Et puis, qu'est-ce qu'on entend par fuite des capitaux ? Que certains capitalistes qui ne pourraient plus licencier comme ils le désirent choisiraient de partir ? Eh bien, qu'ils partent ! Ils pourront même emmener leur Mercedes et leurs bijoux. Mais le capital, qu'est-ce que c'est ? Le capital productif est constitué des machines, des terrains, des usines ainsi que de la force de travail des salariés. Tout cela, les capitalistes ne vont pas l'emporter sous le bras. Mais s'ils partent, il n'y a aucune raison que l'usine ferme.

Si l'entreprise produisait des choses utiles, elle continuera à le faire. S'il s'agit de produits devenus inutiles, dépassés ou nuisibles, on pourra sans problème reconvertir l'entreprise dans la fabrication de produits socialement nécessaires et vendus à prix coûtant.

Laurent Joffrin s'indigne encore : " Elles (les entreprises) seraient alors socialisées. En quelques années, le plus clair de l'économie passerait sous le contrôle de l'Etat. " Interdire les licenciements, c'est aboutir au socialisme. C'est l'aveu, par un défenseur du capitalisme, que ce système est incapable, même dans un des pays les plus riches de la planète, de garantir ce droit élémentaire pour chacun d'avoir un travail qui lui permette de vivre.

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