Après la crise monétaire, le retour de l'inflation05/04/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/04/une1758.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Après la crise monétaire, le retour de l'inflation

Le long week-end pascal (cinq jours de congés en Argentine) a offert une accalmie sur le marché monétaire argentin, car les marchés des changes étaient fermés. Les jours précédents, la monnaie argentine avait vu sa valeur brusquement chuter, le dollar valant jusqu'à quatre pesos, pour finalement se stabiliser à 2,85 pesos. On est très loin de la valeur initiale (1,40 peso pour un dollar) quand le président Duhalde avait abandonné la parité " 1 dollar égale 1 peso " , en arrivant au gouvernement au début de cette année.

On est loin également de ses promesses selon lesquelles la valeur du peso ne tomberait pas plus bas que 1,70 peso pour un dollar. Mais s'il n'en a rien été, c'est que la partie de la population qui en avait les moyens a fait la queue, jour et nuit, pour convertir ses économies de pesos en dollars, par crainte d'un retour de l'hyperinflation (à la fin des années quatre-vingt, la hausse des prix avait atteint les 5 000 % !) et pour tenter ainsi de préserver ses économies.

Jusqu'à présent, le président péroniste n'a pas non plus réussi à convaincre le Fonds monétaire international de lui accorder les crédits qu'il estime nécessaires pour faire face à ses échéances (il espère un prêt de 9 milliards de dollars). Les allées et venues entre les dirigeants argentins se rendant à Washington et les missions du FMI venant à Buenos Aires se sont multipliées, mais pour le moment le gouvernement argentin reste bredouille.

Depuis l'explosion sociale qui a fait tomber deux présidents argentins à la fin de l'année dernière, crise politique elle-même issue de la menace permanente de banqueroute d'un État extrêmement endetté, le FMI campe sur ses positions : c'est à l'État argentin de faire la démonstration qu'il fait tout pour assainir ses finances, c'est-à-dire qu'il met en place des mesures de rigueur budgétaire. Une démonstration que le gouvernement argentin tarde à faire, pour ne pas se retrouver à son tour confronté à la contestation de la rue.

Duhalde avait d'abord espéré qu'en laissant filer la valeur du peso par rapport au dollar, il amadouerait les banquiers du FMI, mais ceux-ci lui en demandent plus. Au fur et à mesure que l'État argentin a marché vers la banqueroute, il a multiplié la monnaie de singe, des bons d'achat, qu'on appelle " patacones " ou " licop " , et qui ont permis dans la moitié des provinces argentines de régler les salaires des employés des collectivités territoriales. Ces bons représentent près de 40 % de la monnaie en circulation. Le FMI souhaiterait que le gouvernement argentin y mette un terme, car ces émissions de bons creusent évidemment le déficit des provinces et donc de l'État argentin. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Les employés des provinces, quand ils ne reçoivent plus leur salaire, sont eux aussi prompts à descendre dans la rue.

Par ailleurs, la dévaluation du peso entraîne évidemment la hausse des prix. Les associations de consommateurs estiment que la hausse des prix a atteint 15,5 % au cours du mois de mars, et près de 30 % depuis le début de l'année. Et avec la dégringolade du peso, on a vu les prix s'envoler, en tête les produits de première nécessité, comme le pain. L'Argentine reste l'un des principaux producteurs de céréales de la planète, mais les mécanismes aberrants du système capitaliste pourraient faire que la population de ce pays se retrouve en pénurie de pain !

Faute de prêts, le gouvernement cherche donc les moyens pour financer les promesses les plus indispensables qu'il a pu faire. Mais là encore il se débat dans des contradictions quasi insurmontables. Duhalde est venu à la tête de l'Etat en se faisant notamment le porte-parole des entreprises exportatrices. Et de ce point de vue, la dévaluation du peso a été un atout pour ce secteur de l'économie argentine. Mais, il lui faut maintenant trouver les moyens de financer une partie de ses promesses en matière d'aide sociale. Et, pour cela, il envisage maintenant de taxer les exportations agricoles de 10 à 20 %.

Il faut dire que les attentes de la population pauvre sont grandes. Car la situation s'est encore aggravée. En cinq ans, le revenu moyen des Argentins a baissé de 65 % en valeur réelle. Il y a maintenant la hausse des prix, la pénurie de produits de première nécessité, le manque de médicaments, sans compter que le mois de février a été marqué par une importante vague de licenciements faisant disparaître 75 000 emplois.

Parmi les promesses de Duhalde, il y avait notamment celle d'une sorte de minimum social, d'autant plus attendu qu'il n'existe ni RMI ni allocations de chômage. Or, la population la plus pauvre ne peut pas attendre indéfiniment. C'est tous les jours que se joue sa survie, comme sont venus le rappeler plusieurs pillages de magasins dans la banlieue de la capitale et dans la province de Buenos Aires, au cours du même week-end de Pâques.

Coincé dans les mêmes contradictions que ses prédécesseurs, le gouvernement Duhalde pourrait très bien connaître le même sort. Il ne s'en sortira pas en répétant comme il le fait que la sortie de crise est pour juin ou juillet prochains. Et d'autant moins qu'une partie de la population reste très mobilisée, que cela soit dans les syndicats, les mouvements de chômeurs ou les assemblées populaires de quartiers.

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