Depuis que les sondages en faveur d'Arlette Laguiller atteignent les 9 %, et parfois les dépassent, politiciens et journalistes de tous bords lui reprochent, directement ou indirectement, de " ne pas avoir de programme ", voire même de fausser le " jeu démocratique " en refusant la participation gouvernementale. En réalité, c'est justement son programme, celui de la défense intransigeante des intérêts politiques et sociaux du monde du travail, que ces gens-là lui reprochent.

Car il y a dans ces arguments de quoi rire. Si la seule utilité du vote, le seul objectif de l'action politique étaient de participer à un gouvernement gardien de l'ordre capitaliste, avec Jospin ou Chirac à sa tête, quelle serait l'utilité de discuter le contenu d'un programme, puisqu'au bout du compte il s'agira de mettre en oeuvre celui qui satisfait le grand patronat ?

A l'opposé de ces compromissions, le programme que défend Arlette Laguiller correspond à son engagement : être dans le camp des travailleurs. Quand Arlette Laguiller et Lutte Ouvrière défendent l'idée que les travailleurs et la population doivent contrôler les comptes des grandes entreprises privées et publiques, ceux de leurs dirigeants et de leurs principaux actionnaires ou de leurs prête-noms, il s'agit de vérifier les profits immenses, mais camouflés, des gros actionnaires.

Les bourgeois entre eux, au moyen de la loi, se donnent les moyens, par exemple, de contrôler les comptes d'une entreprise sur laquelle ils envisagent de mettre la main. Le fisc, de son côté, a tous les droits pour lever le secret bancaire et se faire communiquer les comptes en banque et les placements des entreprises, ou des particuliers, y compris des dirigeants ou de leurs proches, quand il enquête pour savoir s'il n'y a pas eu de fausses déclarations. Le contrôle des travailleurs et de la population sur les comptes des entreprises serait tout à fait normal et serait une nécessité. Et ce ne serait que le début d'un véritable contrôle des travailleurs sur les richesses qu'ils produisent. Et c'est nécessaire.

Car il faut oser prendre sur les richesses accumulées par les classes possédantes pour garantir à chacun un emploi et un salaire décent, qui leur permettent entre autres l'accès à des logements décents et à des services publics dignes de notre époque. Pour résoudre ces problèmes, il faudra, bien entendu, arracher la direction de l'économie et de la société à la classe des capitalistes et à ses serviteurs.

C'était le programme des partis socialiste et communiste au temps où ils n'avaient pas renié et trahi leur cause. Et la fidélité au programme de la classe ouvrière entraînait pour eux, comme pour Lutte Ouvrière aujourd'hui, le refus de la participation à quelque gouvernement de la bourgeoisie que ce soit.

Il est illusoire d'attendre d'un Jospin qu'il s'attaque un tant soit peu aux pouvoirs et à la richesse de la grande bourgeoisie. Et ceux qui se compromettent en siégeant sur les quelques strapontins qu'on leur accorde au gouvernement se font complices, en vendant leur crédit électoral pour aider à tromper les travailleurs.

Ceux qui reprochent à Arlette Laguiller de " ne rien faire de ses voix ", lui reprochent en réalité de refuser de se prêter à un jeu de dupes. Mais les communistes révolutionnaires ne se refusent nullement à intervenir dans la société et dans sa gestion. Ils mettent en avant un programme visant à en modifier complètement les règles de fonctionnement, à donner vraiment aux travailleurs, à ceux qui produisent les richesses, le contrôle de l'économie et de la société.

Ce n'est pas ce qui est en jeu dans ces élections. Mais pour que cela soit possible il faut commencer à redonner confiance et espoir à des millions de travailleurs en la force collective du monde du travail, et c'est pourquoi le seul geste utile sera le vote pour Arlette Laguiller et pour le programme qu'elle présente.