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- Lutte ouvrière n°1756
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Dans les entreprises
Gates - Nevers (Nièvre) - Salaires : Des débrayages réussis
Gates, à Nevers, emploie 510 personnes, fabriquant courroies et durites, essentiellement pour l'automobile. Gates se porte bien : le chiffre d'affaires a progressé de 35,4 % entre 1999 et 2001, alors que dans la même période, nos salaires ont été pratiquement bloqués et que les charges sociales du patron ont diminué de 10 % grâce aux 35 heures.
Cela n'a pas empêché la direction de proposer, pour cette année encore, des augmentations quasiment nulles : 1 % pour l'atelier Courroies et 0 % pour l'atelier Tuyaux. Nous avons décidé de ne pas nous laisser faire et, quand les délégués sont passés dans les ateliers, nous avons débrayé et nous nous sommes très vite retrouvés à une centaine aux portes de l'entreprise, bloquant la route devant l'usine. L'ambiance était bonne pendant ces deux heures et, quand l'équipe du soir est arrivée, elle a décidé, elle aussi, de continuer les débrayages. Pareil pour l'équipe suivante, le lendemain matin. De plus, il y avait longtemps que nous ne nous étions pas retrouvés tous ensemble dans un mouvement, Courroies, Tuyaux et magasin réunis.
La direction a bien essayé quelques coups tordus, mais cela n'a pas entamé notre moral : aux Courroies, quelques chefs, regroupés au milieu de l'allée, ont essayé de faire barrage ; au magasin, la direction a fait charger, dans la précipitation, un camion de durites et de courroies pour les stocker chez un transporteur du coin.
Mais depuis des mois, les sujets de mécontentement s'accumulent : pressions incessantes pour nous faire travailler plus, avertissements, voire licenciements.
Finalement, le jeudi, la direction a lâché 30 euros pour tous, c'est-à-dire 153 F net par mois. Même si ce n'était pas ce que nous demandions - 45 euros pour tous -, les grévistes sont satisfaits d'avoir fait reculer la direction sur les salaires. Passer de rien à 153 F " c'est déjà ça ! ", disaient beaucoup, après seulement 4 ou 6 heures de débrayage par poste. A près de 150, nous avons montré qu'on pouvait faire reculer la direction.
L'équipe de ménage de la CRAMIF (Caisse Régionale d'Assurance maladie d'Ile-de- France) à Paris 19e- une quarantaine de salariés de la société de nettoyage EUROPROPR - a fait grève du 6 au 11 mars pour obtenir un treizième mois. Payés au SMIC horaire avec des contrats à temps partiel (sauf 4 temps pleins), la plupart des travailleurs gagnent entre 2 900 et 4 200 F nets par mois (442 à 640 euros).
Début février, une pétition réclamait un treizième mois. Le patron refusa et proposa une " prime de qualité ", donc liée aux résultats, totalement aléatoire et dont le montant n'était pas fixé. Pour les travailleurs, c'était de la provocation. Comment parler de qualité avec les effectifs en place ? En effet, il y a 30 ans, le ménage était effectué par une centaine d'employées à temps plein sous Convention collective Sécurité sociale. Avec le passage à la sous-traitance, donc au privé, la course aux économies a été lancée, les effectifs ont fondu au fil des ans, les nouveaux travailleurs ont été payés au SMIC, puis des contrats à temps partiel ont peu à peu remplacé les contrats à temps plein. La surface à nettoyer, elle, est restée la même.
C'est donc tout un ras-le-bol sur les salaires et les conditions de travail qui s'est exprimé lorsque la grève a commencé. Le patron répondit en faisant venir un huissier chaque soir (les horaires de travail sont de 17 à 21 h 30) à plus de 3000 F le déplacement (le salaire mensuel d'une femme de ménage). La direction de la CRAMIF se solidarisa d'EUROPROPR en interdisant aux grévistes l'accès des locaux.
Cela se retourna contre eux. La grève se renforça et s'organisa. Les grévistes se divisèrent en trois équipes, postées aux trois accès de l'immeuble, et réussirent à convaincre les quelques non-grévistes et les temporaires de ne pas entrer. Devant cette détermination la direction de la CRAMIF laissa des briseurs de grève entrer le dimanche matin, jour qui n'est jamais travaillé. Mais le lundi, la grève ne faiblit pas : pancartes, tracts, surveillance des trois entrées, casse-croûte collectif devant le piquet des chefs et de l'huissier (pour noter la recette des beignets fabriqués dans la journée ?), tract de solidarité et pétition de soutien des syndicats de la CRAMIF, tout cela contribua à garder le moral.
Le mardi 12 mars, une délégation des grévistes accompagnée de la CFDT rencontra le patron d'EUROPROPR. Celui-ci finit par proposer une prime de fin d'année de 40 % du salaire mensuel, garantie, sans condition de qualité, payable par acompte dès avril ou mai, reconductible pour 2003 et révisable à la hausse (des négociations nationales dans le nettoyage devraient avoir lieu en 2003 pour un 13e mois), le paiement de la grande majorité des jours de grève.
L'assemblée des grévistes décida d'accepter ces propositions. L'un d'eux résuma le sentiment général : " C'est loin d'être le 13e mois, mais si on n'avait rien fait on n'aurait rien eu, ou bien une carotte pour nous diviser " et puis, " on est en bas de l'échelle, on nous méprise toute l'année, cette fois-ci on s'est fait respecter ". Le travail a donc repris dans la bonne humeur. A l'avenir la direction devra se méfier, les travailleurs du nettoyage de la CRAMIF ménagent parfois des surprises !