Le tournant sécuritaire de Jospin08/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1754.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le tournant sécuritaire de Jospin

La droite, Chirac en tête, s'étant lancée dans la campagne présidentielle en brandissant le flambeau sécuritaire, Jospin s'est empressé de lui emboîter le pas. Mais il lui restait à justifier auprès de l'électorat cette nouvelle concession à la démagogie réactionnaire de la droite. C'est ce qu'il a fait sur TF1 le dimanche 3 mars, sur le ton de la confession.

"J'ai pêché un peu par naïveté", s'est excusé Jospin, "je me suis dit peut-être pendant un certain temps : si on fait reculer le chômage, on va faire reculer l'insécurité. On a fait reculer le chômage - il y a 928 000 chômeurs en moins - mais ça n'a pas eu un effet direct sur l'insécurité" .

Il faut une sacrée dose d'hypocrisie à Jospin pour taire l'essentiel - à savoir que les fameux emplois qu'il se vante tant d'avoir créés n'ont rien à voir avec ceux qui ont disparu. Comment ces emplois précaires, sous-

payés, irréguliers, qui ne permettent pas de boucler les fins de mois et ne laissent pas le moindre espoir d'amélioration, pourraient-ils remplacer les centaines de milliers d'emplois fixes qui sont passés à la trappe dans les grandes entreprises depuis cinq ans ? Or qu'a fait Jospin face aux innombrables plans dits " sociaux " de ces grandes entreprises, alors que leur seul objectif était de garantir les dividendes de leurs actionnaires ? Rien, il n'a pas bougé le petit doigt, même pas lorsque le nombre de ces plans a augmenté l'an dernier. Et ce n'était pas par " naïveté ", mais par servilité envers les exigences du grand patronat.

Alors Jospin a peut-être fait reculer le nombre des chômeurs, tout au moins ce sont ses statistiques qui le disent, mais il n'a créé que des travailleurs pauvres. Or c'est avant tout la pauvreté - celle du chômage comme celle de la précarité - qui alimente l'insécurité dans les quartiers ouvriers, et cela Jospin le sait bien. En aggravant l'insécurité face à l'emploi imposée au monde du travail, Jospin a aggravé l'insécurité tout court, dans laquelle il dit maintenant voir un " défi prioritaire " pour ne pas être en reste face à la droite.

Et que propose-t-il aujourd'hui ? Pas de créer de vrais emplois, bien sûr, et encore moins d'interdire aux grandes entreprises de continuer à en supprimer. Ni de quadriller les quartiers pauvres d'éducateurs et d'infrastructures permettant d'encadrer les jeunes sur le terrain et de leur redonner un sens de la vie sociale. Non, car pour le candidat Jospin, il n'est pas question de toucher aux bénéfices du patronat ni de le priver des dizaines de milliards d'euros de subventions qu'il a pris l'habitude de recevoir chaque année des finances publiques. Au lieu de cela, Jospin reprend à son compte les recettes aussi réactionnaires qu'éculées de la droite, en se bornant à en modifier un petit peu l'emballage. " Nous envisageons des structures fermées pour les jeunes qui ont des problèmes de violence " , a-t-il dit. Des " structures fermées " ? Quel euphémisme hypocrite pour ne pas parler comme les autres de maisons de redressement ou de prisons pour enfants ! Parce que, même en admettant que de telles " structures fermées " soient nécessaires dans certains cas, elles ne pourront être que des machines à fabriquer des délinquants endurcis à la chaîne faute des moyens humains et matériels considérables qui seraient nécessaires pour en faire de véritables instruments d'éducation.

Or ces prétendues solutions-là ont toutes été essayées, et toujours avec des résultats catastrophiques. L'exemple des Etats-Unis, avec son explosion carcérale qui non seulement n'a pas empêché une explosion encore plus brutale de la criminalité mais a même contribué à la provoquer, ne suffit-il pas pour montrer qu'aucune armada répressive ne suffit à résoudre un problème lorsqu'il est avant tout social ?

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