Jospin et Chirac prêts à s'attaquer aux retraites08/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1754.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Jospin et Chirac prêts à s'attaquer aux retraites

Le fait que Jospin comme Chirac annoncent vouloir faire des retraites un de leurs dossiers prioritaires, après leur élection, fait froid dans le dos, à juste titre, à bien des salariés du public comme du privé. Car derrière les faux-semblants d'une prétendue opposition entre les fonds de pension proposés par Chirac et l'épargne salariale défendue par Jospin, il y a un accord de fond entre le tenant de la droite et celui de la gauche gouvernementale pour s'attaquer au droit restant encore aux salariés de bénéficier d'une retraite, déjà aujourd'hui souvent bien mince.

D'ailleurs Marc Blondel, le secrétaire général de Force Ouvrière, a bien résumé sur Europe 1 les attaques contre le système actuel de retraite par répartition : de la part de l'un c'est une remise en cause ouverte et pour l'autre c'est une fissure introduite dans le système actuel.

Mais surtout, derrière cela il y a l'accord des deux candidats pour s'attaquer aux droits des salariés dans ce domaine.

Fabius et bien d'autres ministres et porte-parole du PS reprochent à Chirac " d'avoir plombé le débat sur les retraites avec la façon de faire de Juppé " en 1995. Ce langage codé ne s'adresse pas aux millions de salariés, il s'adresse aux milieux patronaux et aux bourgeois. Traduit en français ordinaire voilà ce que dit la gauche : cet imbécile de Chirac, qui ne sait pas s'y prendre pour s'attaquer aux travailleurs, a réussi à provoquer avec son plan Juppé sur les retraites une réaction populaire contre l'allongement des années de cotisations pour les quelque cinq millions de salariés des services publics. Du coup, déplorent les ministres socialistes, cela a " plombé " pour des années les attaques possibles en les rendant a priori suspectes devant l'opinion de dérives à la Juppé. Et avec le mépris vis-à-vis du monde du travail qui les caractérisent, les hommes de gouvernement de la gauche laissent entendre qu'avec eux cela serait mieux passé. Toujours est-il que les hésitations de Jospin pour s'attaquer aux retraites des salariés du public comme du privé pendant ses cinq ans de gouvernement sont bien la conséquence des manifestations de centaines de milliers de personnes qui ont arpenté les rues du pays pendant plusieurs semaines sur ce sujet en novembre-décembre 1995.

Les porte-parole du PS disent sans se cacher qu'ils envisagent de remettre en cause " l'inégalité ", comme ils ont le culot de qualifier la situation qui existe entre le secteur privé et le secteur public. Rappelons qu'en 1994 Balladur a imposé pour tout le secteur privé l'obligation de cotiser quarante ans, au lieu de trente-sept ans et demi auparavant, pour avoir droit à une retraite à taux plein. De plus, pour faire baisser considérablement le taux des pensions de retraites, on a progressivement calculé le montant de la pension à verser jusqu'à la mort sur les 25 meilleures années au lieu des 10.

" L'inégalité " pour les ténors socialistes étant que les salariés du secteur public sont restés à l'ancien système.

Et donc on prépare aux salariés des hôpitaux, de la SNCF, aux employés des collectivités territoriales, aux enseignants, aux fonctionnaires, etc, l'allongement des années de cotisations nécessaires pour avoir droit à la retraite, et donc en fait la baisse de ces pensions lorsqu'ils partiront en retraite.

Rappelons qu'en dehors des traitements de faveur que touche la caste des hauts fonctionnaires, les salariés des hôpitaux, à titre d'exemple, sont très pénalisés par les pratiques de l'Etat, qui refuse d'inclure dans le calcul de la retraite les primes diverses qui représentent jusqu'à plus de 20 % de la rémunération nette, ce qui amène souvent des agents à des retraites de misère.

Cette attaque est d'autant plus annoncée qu'elle doit servir pour une attaque plus générale sur les durées de cotisation de tous et sur le montant des pensions servies. Les rapports commandés par Jospin, pour lui servir dans les attaques qu'il préparait contre les retraites, annonçaient la couleur : non seulement il y était préconisé l'annulation du traitement spécifique pour les salariés du public, mais aussi porter à 42 ans les annuités de cotisations minimums. Manque de chance pour Jospin, tout cela est tombé à un mauvais moment pour lui, au moment de l'annonce concomitante des plans massifs de licenciements de Danone, Marks et Spencer, AOM. Du coup, il fallait les remiser au placard, et se livrer à une comédie autour de la loi de modernisation sociale, pour tenter de donner le change aux inquiétudes des salariés.

Aujourd'hui les mots sont tous pris à contre-sens. Quand Jospin et Chirac parlent de la nécessité de " pérenniser le système par répartition " des retraites, c'est pour justifier les attaques contre les services publics, et accessoirement mettre en place les fonds de pensions. Car pour eux, pérenniser le système c'est faire qu'il coûte moins cher en cotisations pour le patronat, comme ils l'ont fait pour les allocations familiales et l'assurance maladie, et s'il n'y a plus assez d'argent pour servir des retraites acceptables, pour eux la solution est trouvée : que les salariés se les financent eux-mêmes.

De même, les uns et les autres, pour éviter de parler d'allonger les temps de cotisations, ont le cynisme de parler de garantir le droit de chacun de partir à la date de son choix : à 60 ans avec une retraite bonne à crever la faim, sinon pourquoi pas " librement " choisir, afin de survivre, 65 ans ou plus.

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