Vient de paraître : "Mon communisme" d'Arlette LAGUILLER01/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1753.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Vient de paraître : "Mon communisme" d'Arlette LAGUILLER

Dans le nouveau livre d'Arlette Laguiller, Mon communisme, l'auteur indique ainsi ses intentions dans l'introduction : " J'ai précisé " mon " communisme parce que la plupart de nos contemporains croient savoir ce que sont les idées communistes, et les ignorent en fait, ou bien, quand il s'agit d'adversaires politiques, mentent purement et simplement à leur propos. En effet, il n'y a pas eu en ce monde une doctrine qui ait été aussi décriée, critiquée, calomniée que celle-là. Depuis des années, il paraît en librairie, il s'écrit dans la presse des dizaines de livres ou d'articles par an, annonçant la mort du communisme et cherchant à l'enterrer. Il faut croire que leurs auteurs sont bien convaincus que, même sous le poids de leurs ouvrages, ils n'ont réussi ni à le détruire ni même à l'enterrer vivant. Je vais donc tenter, plus loin dans ces pages, de dire ce qu'est " mon " communisme, autrement dit quelle est la seule façon à mes yeux d'être communiste actuellement ".

Etre communiste, c'est d'abord s'opposer radicalement au système capitaliste qui impose sa domination à l'ensemble de la planète. S'il y a un bilan qui est globalement négatif, c'est bien celui du capitalisme. Comme l'explique notre camarade, celui-ci a pris son essor en Europe occidentale puis en Amérique du Nord, " en révolutionnant non seulement le mode de production, mais les rapports entre les hommes et la vie quotidienne de millions d'êtres humains ". Son développement a entraîné la naissance de nouvelles classes sociales : la grande bourgeoisie qui possède les moyens de production essentiels, hier les manufactures, aujourd'hui les usines, et la classe des travailleurs qui n'ont que leurs bras et leurs cerveaux, " et qui ne peuvent vivre qu'en vendant leur capacité de travail à un patron ".

Mais, comme disait Marx, le capitalisme est né en " charriant de la boue et du sang ". Arlette Laguiller rappelle qu'à l'origine de l'accumulation de richesses, qui a permis le développement du capitalisme, on trouve le pillage du Nouveau Monde, la ruine des civilisations américaines, le massacre de populations entières, le trafic des Africains réduits en esclavage pour remplacer les Indiens exterminés, l'expropriation légale ou forcée des paysans, transformés par la contrainte en prolétaires exploités. " Les grandes fortunes capitalistes se sont construites sur des journées de quatorze ou quinze heures imposées aux ouvriers, sur le travail des enfants de huit ans dans les usines ou dans les mines, sur les vies piétinées de millions de femmes et d'hommes. (...) Ce n'est pas sur l'initiative personnelle que ce capitalisme s'est créé, mais sur la violence ".

Et le bilan qu'elle en tire pour aujourd'hui n'est pas plus flatteur. Les ressources de la planète pourraient nourrir toute la population mondiale, mais 750 millions d'hommes n'ont qu'une ration alimentaire plus qu'insuffisante tandis qu'un ou deux milliards d'autres ne disposent que d'une alimentation qui n'est pas à même de satisfaire leurs besoins en aliments essentiels. La mortalité infantile reste énorme dans le Tiers-Monde : 15 % d'enfants africains ne dépassent pas l'âge de cinq ans. Si l'espérance de vie dans les pays industrialisés avoisine 75 ans, elle n'est que de 36 ans en Sierra Leone.

L'auteur rappelle que, par deux fois, au siècle dernier, le capitalisme a jeté l'humanité dans la guerre mondiale. Le colonialisme continue de marquer la physionomie de la planète : " Les pays qui, il y a un siècle, étaient des colonies ou des semi-colonies des grandes puissances capitalistes voient pour la plupart le fossé qui les sépare de ces dernières s'approfondir ". Et, dans la conquête coloniale, les grandes puissances européennes prétendaient apporter la " civilisation " au reste de la planète !

En guise de " civilisation ", elles ont plongé bien des peuples dans la barbarie, des Chinois à qui l'Angleterre imposa de consommer l'opium produit dans les Indes britanniques, aux Algériens dont les villages furent rasés, les récoltes détruites, les populations enfumées dans les grottes, au cours de la conquête de l'Algérie par l'armée française. Et la violence du conquérant redoubla quand les peuples coloniaux de " l'empire français " cherchèrent à conquérir leur indépendance, en Algérie, à Madagascar, en Indochine.

Quant aux Etats-Unis, qui n'étaient pas une puissance coloniale, ils ne firent pas mieux, usant de leurs immenses ressources pour maintenir coûte que coûte un gouvernement fantoche dans la partie du Viêt-nam, sous leur contrôle. Ils bombardèrent massivement l'ensemble de la péninsule indochinoise, allant jusqu'à utiliser des défoliants dont les soldats américains furent également victimes.

L'état de sous-développement d'une vaste partie du monde le rend vulnérable à tous les fléaux. Des maladies que l'on peut soigner dans les pays riches, ou en tout cas circonscrire comme le sida, entraînent des ravages dans le continent africain où l'espérance de vie a beaucoup reculé au cours des vingt dernières années. Mais les pays riches ne sont pas épargnés. Depuis un quart de siècle, le monde industrialisé vit à l'heure de la crise économique. Comme le rappelle l'auteur, le chômage pèse lourdement sur les conditions d'existence de la population, qui subit les conséquences des vagues de licenciements fruit de restructurations industrielles, qui ont pour origine la soif de profit des grands actionnaires des grands groupes industriels et financiers.

Pour s'en tenir à la France, qui appartient à la douzaine d'Etats industrialisés dont le niveau de vie est le plus élevé, où il existe un certain nombre de libertés démocratiques, la pauvreté et la misère n'ont pas disparu. On compte près de trois fois plus de personnes dans la misère que le chiffre officiel de 2,2 millions de chômeurs. Il existe désormais une catégorie de " travailleurs pauvres " : 1,7 million de salariés qui survivent avec moins de 610 euros (4 000 F) par mois, c'est plus que les RMIstes mais très en dessous du SMIC. Et on les retrouve dans tous les pays industrialisés.

Le livre montre aussi que les multiples inégalités sont le produit d'un système ayant pour but d'enrichir toujours plus une minorité de privilégiés tandis qu'à l'autre bout il fait croître la misère pour un nombre toujours plus grand de personnes. Que cela soit par les subventions ou par l'impôt, l'Etat est là pour garantir aux classes possédantes une part toujours plus grande du revenu national, au détriment du reste de la population. Le livre rappelle comment les possédants maintiennent le secret de leur enrichissement, que cela soit par le manque de transparence sur ces mécanismes eux-mêmes ou par la façon dont le débat politique est mené. Que les deux principaux candidats de l'actuelle campagne électorale aient un certain mal à montrer leurs différences illustre le fait que les équipes de politiciens en concurrence, quelles que soient leurs étiquettes, ne sont là que pour faire tourner la machine dans le sens des intérêts des possédants.

L'auteur montre aussi qu'à l'heure où tout le monde constate la " mondialisation " de l'économie, il ne peut être question de bâtir un communisme " à la française ", " car le communisme c'est la mise à la disposition de toute l'humanité des moyens de production mondiaux dont le capitalisme fait un gâchis effroyable ". Elle rappelle également que les précurseurs du communisme, Marx et Engels, " n'avaient pas attendu la naissance du mot " écologie " pour se préoccuper des méfaits de l'économie capitaliste envers la planète. " Le capitalisme n'a pas plus d'égard envers la planète qu'il n'en a vis-à-vis des travailleurs. Mais la solution des problèmes de l'environnement ne dépend pas principalement de choix techniques, comme le suggèrent les écologistes, elle dépend bien plus d'un choix politique plus fondamental : qui l'emportera entre les dirigeants actuels du monde pour qui le profit est le moteur de tout, et les travailleurs, seuls capables d'organiser la société en prenant vraiment en compte les intérêts de tous, en faisant participer toute la population à la prise de décision.

Enfin, dans une ultime partie, le livre d'Arlette Laguiller répond à des objections réelles ou malveillantes, et montre pourquoi, malgré l'échec relatif de la Révolution russe, l'humanité a besoin, pour continuer de progresser, de la collectivisation, c'est-à-dire de mettre en commun les grands moyens de production et de transports, des sociétés de service, comme les banques et les assurances. C'est cette grande propriété-là, et seulement celle-là, que les communistes entendent abolir. Et le faisant, ils ne feront jamais que restituer à l'ensemble de l'humanité ce qui lui avait été dérobé à l'aube du capitalisme.

Mais pour y réussir, les travailleurs ont besoin d'un instrument ; c'est le parti de la révolution sociale, l'objectif que s'étaient donné à leur naissance le Parti Socialiste et le Parti Communiste et qu'ils ont abandonné depuis longtemps pour le plat de lentilles de la gestion des affaires de la bourgeoisie. Cet instrument, il faut le reconstruire. Les conditions objectives le permettent. En dépit de ceux qui s'imaginent que la classe ouvrière a disparu alors que les travailleurs, même dans les statistiques officielles, pèsent encore pour 58 % dans la société française. Malgré les déconvenues de la politique menée par le PS et le PCF depuis 1981, il reste des dizaines de milliers de militants ouvriers actifs. Il y a aussi une nouvelle génération de jeunes travailleurs et de jeunes intellectuels, qui découvrent par différents chemins à quel point ce monde est malade. Avec les plus anciens, comme avec ceux-là, il faut reconstruire un parti qui défende véritablement les intérêts politiques du monde du travail.

Arlette Laguiller conclut sur la source de son optimisme, sur son espoir de voir cette tâche aboutir un jour : " J'ai aussi rencontré, depuis quarante ans que je milite au sein du mouvement ouvrier, bon nombre de femmes et d'hommes dévoués, désintéressés, pour qui l'avenir de la société et de toute l'humanité compte plus que la réussite personnelle. Cela ne les empêche d'ailleurs pas de trouver, avec ceux qui les entourent dans leur combat, les immenses sources de satisfaction qui découlent de l'absence d'égoïsme, de la fraternité de ceux qui partagent un même espoir et un même projet ".

A lire donc, de toute urgence !

J.F.

Editions Plon, 175 pages, 13 euros.

Partager