Renault Cléon (Seine-Maritime) : - Un accueil pas prévu au programme !01/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1753.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Renault Cléon (Seine-Maritime) : - Un accueil pas prévu au programme !

Jeudi 21 février, Louis Schweitzer, PDG de Renault, visitait l'usine de Renault Cléon, spécialisée dans la fabrication de moteurs et de boîtes de vitesse. Tout avait été prévu pour qu'il se promène dans les ateliers en compagnie de J. Prost, le directeur de l'usine, jusqu'à lire sur tous les panneaux lumineux " Bienvenue à Monsieur le Directeur ".

Pour J. Prost, ce devait être " sa journée ", une journée mémorable. Pour clore la visite, Schweitzer lui remettait en présence de Fabius les insignes de " chevalier de l'ordre du Mérite "

Toute la journée fut donc organisée de façon à ce que tous ces messieurs en gardent un souvenir impérissable. La presse était présente, les petits fours prévus...

Cependant une centaine d'ouvriers de la FAC (Fonderie Aluminium de Cléon qui se trouve sur le site)... se sont chargés du comité d'accueil organisé par la CGT.

La FAC était une filiale de Renault jusqu'en 1999, où Renault a vendu toutes ses fonderies à Teksid (Fiat) en conservant tout de même 33,5 % d'actions. À l'époque Schweitzer présentait la vente comme " une opportunité à saisir avec la perspective d'une ambition mondiale ". Aujourd'hui Fiat veut se débarrasser de ses fonderies, alors les ouvriers de la FAC ont voulu expliquer au visiteur que leur " ambition " est de conserver leur emploi... tout cela à deux doigts de ses moustaches.

Suite à cela, les travailleurs de la FAC sont partis en manifestation dans tous les bâtiments de l'usine pour sensibiliser leurs camarades de Renault. En fin de manifestation, sans le vouloir, les manifestants sont retombés sur Schweitzer et Prost, qui avait cette fois une mine bien déconfite.

La télévision locale, la presse, la radio... tout le monde a parlé de cet accueil plutôt... enthousiaste de la FAC !

Et du coup... quasiment personne ne s'est rappelé de la médaille du mérite !

PPE Pulversheim (Haut-Rhin) - "On nous traite comme des chiens : mordons !"

La brève histoire de l'usine PPE est significative. Elle peut se résumer par deux banderoles. Construite il y a un peu plus de trois ans, cette usine moderne de 213 salariés, qui fabrique des circuits imprimés pour téléphones portables affichait encore en 2001 le long de ses murs une banderole de la direction : " Ici nous recrutons ". Les grévistes en ont accroché une autre ces jours-ci avec la mention " Subventions = licenciements ".

Dans une première phase d'euphorie sur la base de l'explosion des nouvelles technologies, l'entreprise, filiale du groupe suisse Endress + Hauser, promettait de créer 450 emplois. Les pouvoirs publics se précipitaient alors pour subventionner cette usine qui était présentée comme un modèle. La liste est impressionnante : 9 millions de francs de prime à l'aménagement du territoire, 9 millions de subventions des Mines de Potasse d'Alsace, pour la reconversion industrielle du Bassin Potassique, 8,48 millions du fonds européen FEDER destiné à l'aménagement des zones en déclin, 6,4 millions du fonds départemental d'aide à l'industrie. De plus, PPE a été dispensée du versement de la taxe professionnelle pendant 5 ans en tant que nouvelle implantation, soit l'équivalent de 14,8 millions, et dispensée également de payer des impôts sur les bénéfices. Au total, ce sont 72 millions de francs d'aides publiques, soit plus de 300 000 francs par emploi. Trois ans et quatre mois plus tard l'entreprise met la clef sous la porte, jetant à la rue ses salariés...

En décembre 2001 tout allait bien selon la direction, mais le 1er février, les salariés étaient renvoyés à la maison, l'entreprise se déclarant en cessation de paiement. Aussi, quelques travailleurs sont allés chercher de l'aide à l'Union locale CGT. Le 14 février, en se contactant par téléphone, 80 salariés réunis en assemblée générale décidaient de revendiquer 50 000 euros, soit l'équivalent de ce qu'avaient versé les pouvoirs publics en subventions à l'entreprise, et élisaient un comité de défense des revendications de 25 membres.

Le lundi 19 février, au comité d'entreprise, le patron allemand, le directeur des relations humaines du groupe Endress + Hauser et le directeur de l'entreprise venaient annoncer aux salariés qu'ils fermaient celle-ci le 5 mars et qu'ils accordaient 2000 euros de prime de licenciement. Aussitôt, les travailleurs, dont la majeure partie avaient moins de deux ans d'ancienneté, c'est-à-dire n'avaient pas droit aux indemnités légales, se mettaient en grève. Et ils commençaient par bloquer les luxueuses voitures de service avec lesquelles étaient venus ces dirigeants, en les considérant comme des biens payés avec l'argent public. Le patron et les cadres, ne voulant pas repartir à pied, ont hurlé à la séquestration mais ont dû finalement repartir en fourgonnette de police.

Le lendemain les grévistes s'adressaient par tract à Flowtec, une autre filiale du groupe, et aux usines environnantes, dénonçant les pratiques des patrons vivant sur l'exploitation des ouvriers, l'intérim, les CDD, les licenciements et les subventions publiques, et appelaient à une action commune. Dans le même temps ils bloquaient la sortie des camions de l'usine voisine de Faurecia qui alimente en sièges et à flux tendu l'usine de Peugeot Mulhouse. Ce qui fit aussitôt arriver 200 policiers. Les grévistes rentrèrent dans Faurecia, suivis par 50 policiers. Les travailleurs de Faurecia sortirent alors en applaudissant à la rencontre des grévistes.

Le soir même à la télévision on pouvait voir des salariés de PPE qui criaient leur colère et leur dégoût, demandant à tous les travailleurs de s'y mettre ensemble et que le patron rembourse ce qu'il avait reçu de subventions publiques. Mercredi 21 février, derrière des banderoles " On nous prend pour des chiens : mordons " ou " Stop aux chasseurs de primes " les salariés manifestaient à Guebwiller et forçaient quelque peu l'entrée de la sous-préfecture où devait avoir lieu une rencontre avec la direction et imposaient leurs négociateurs, notamment un représentant de l'Union locale CGT qui les avait aidés à s'organiser. Jeudi 22 février, la direction annonçait qu'elle cédait 11 millions (soit 52 000 F par salarié). Les travailleurs éclatent de joie. Pour les jeunes grévistes qui ont souvent 6 mois ou un an d'entreprise (la moyenne d'âge dans l'entreprise était de 27 ans) et dont c'était bien souvent le premier emploi, c'est loin de la revendication initiale mais pour beaucoup c'était encore inespéré quelques jours auparavant.

La fin de la grève fut donc votée non sans décider d'organiser une fête pour se retrouver tous ensemble.

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