Madagascar : Rivalité pour le pouvoir, sur fond de crise économique01/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1753.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Madagascar : Rivalité pour le pouvoir, sur fond de crise économique

Vendredi 22 février, Marc Ravalomanana a fait un pas de plus dans le conflit qui l'oppose au président sortant Didier Ratsiraka. Il s'est autoproclamé président de la République de Madagascar, devant plus de 100 000 partisans.

Cette initiative, dénoncée comme une " tentative de coup de force " par la France, ancienne puissance colonisatrice, fait suite à deux mois d'agitation. En effet, Ravalomanana, officiellement crédité de 46 % des voix contre 41 % pour le président sortant à l'issu du scrutin organisé le 16 décembre dernier, estime avoir remporté les élections présidentielles dès le premier tour. Depuis, il n'a cessé de faire pression sur le pouvoir en place appelant à trois semaines de grève générale et à deux mois de manifestations qui ont parfois rassemblé des centaines de milliers de personnes.

Nos camarades de l'Union Africaine des Travailleurs Communistes Internationalistes, dans la dernière édition de leur revue Le Pouvoir aux Travailleurs, reviennent sur la situation qui prévaut dans le pays.

Qui est Ravalomanana ?

C'est le maire actuel d'Antananarivo, la capitale, mais il est surtout dirigeant de Tiko, le plus grand groupe d'agro-industrie du pays. Ce milliardaire est considéré comme un " self made man ". Il dirige ses entreprises d'une main de fer où, de même que dans la municipalité qu'il dirige, les salariés sont tenus d'assister à une heure obligatoire de culte chaque semaine. Ravalomanana est lui-même vice-président de l'Église Réformée à laquelle il aurait fait don de 16 millions d'euros. Son slogan de campagne est un extrait puisé dans l'évangile selon Saint-Marc (son prénom). Pasteurs et prêtres des quatre principales Églises chrétiennes (Réformée, Anglicane, Luthérienne et Catholique) ont mobilisé les fidèles en sa faveur ainsi que le personnel et les élèves des nombreux établissements scolaires qu'ils contrôlent. Mais en plus du soutien des Églises, la plupart des maires des grandes villes des hauts plateaux mérina ainsi que des notables de cette région soutiennent sa candidature. Il est vrai que de nombreux maires ont bénéficié de ses largesses financières (...) À noter cependant que les soutiens ne se limitent pas aux régions mérina. Ses partisans ont réussi à rassembler un public non négligeable dans les villes des régions dites côtières, régions qui auparavant étaient plutôt favorables au parti AREMA de Ratsiraka.

Ratsiraka : un homme usé

Cela fait une vingtaine d'années qu'il est au pouvoir. Une première fois de 1975 à 1993, sous l'étiquette du " socialisme " et de la " révolution malgache ". Au cours de cette période, les grandes entreprises ont été nationalisées et le franc malgache a remplacé le franc CFA. La " malgachisation " a affecté également l'enseignement dont les programmes et les livres, jusque-là en langue française, ont été repris en langue malgache. Les grandes villes qui tenaient leur nom de l'époque coloniale ont été rebaptisées. Il en fut de même pour les structures administratives de l'État et des municipalités qui ont été remaniées et réformées dans un sens plus conforme aux traditions d'avant la colonisation. Des relations diplomatiques ont été nouées avec la Corée du Nord ainsi qu'avec des pays plus ou moins en rupture avec les grandes puissances.

À cette époque, les capitaux se sont enfuis du pays et l'économie s'est retrouvée au bord du gouffre. La monnaie locale n'a cessé de chuter. L'inflation a atteint des sommets vertigineux et les prix ont flambé, entraînant la famine et la sous-alimentation dans toutes les régions. Les importations furent fortement ralenties. La pénurie de pièces détachées pour les véhicules de transports a entraîné un début de paralysie. Les médicaments les plus élémentaires comme l'aspirine et la nivaquine firent défaut, si bien que le paludisme et bien d'autre maladies qu'on croyait maîtrisées ont fait un retour fulgurant.

La période dite Ratsiraka II, de 1996 à maintenant, a été marquée par un virage à 180E par rapport à la précédente. Ce fut une période de privatisations tous azimuts (mouvement amorcé sous le régime de Zafy, entre 1993 et 1996) et de reprise des relations avec les grandes métropoles occidentales ainsi qu'avec le FMI et les grandes banques. Ces grandes puissances et ces banques, qui avaient déjà fait payer très cher les orientations de la première période, n'ont pas été clémentes par la suite, même lorsque le régime fit à nouveau appel et allégeance à elles. Le FMI et les banques continuent d'imposer des conditions de remboursement des dettes de façon impitoyable, au point que l'essentiel des ressources du pays se trouve hypothéqué par leurs ponctions financières.

Pourtant, ce n'est pas la pauvreté pour tous. Quelques grandes familles ont bénéficié de leurs liens avec le régime pour s'enrichir de façon ostentatoire. C'est le cas du fils et de la fille de Ratsiraka (...). C'est aussi le cas de son concurrent actuel Ravalomanana. Mais il est vrai que ce dernier tient davantage sa réussite des prêts directs que lui auraient accordés certaines banques occidentales.

(...) Les grandes puissances, telles que le Japon et les États-Unis, semblent accorder leur soutien à ce candidat. (...) Mais Marc Ravalomanana ne tourne pas le dos pour autant à un éventuel soutien de l'Europe et surtout de la France, ancienne puissance colonisatrice et toujours principale partenaire économique.

(...) Jusqu'où cette partie de bras de fer ira-t-elle ? L'avenir le dira. Ce qui est sûr, c'est qu'aucun de ces deux candidats (...) ne représente en quoi que ce soit les intérêts des travailleurs et des paysans pauvres.

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