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- Lutte ouvrière n°1753
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Editorial
Jospin égale Chirac pour trois électeurs sur quatre.. Alors, votons pour nous-mêmes !
D'après un sondage publié par la presse le lundi 25 février, 74 % des Français ne voient pas de différence entre le programme proposé par Chirac et celui proposé par Jospin dans le cadre de leurs campagnes électorales respectives.
Quoi d'étonnant à cela ? Les deux candidats du deuxième tour, nous dit-on, en sont à se reprocher eux-mêmes de se copier mutuellement !
Pour les possédants, cela veut dire que quel que soit l'occupant de l'Elysée de 2002 à 2007, ils peuvent envisager l'avenir sans crainte, et que leurs intérêts seront bien défendus, comme ils l'ont été dans le passé. Cependant, Chirac, qui ne fait pas semblant d'être de gauche, est évidemment mieux vu par les nantis que Jospin. Mais Jospin, pour achever de rassurer ceux qui auraient encore pu avoir un doute sur ce qu'il ferait s'il parvenait à l'Elysée, a bien précisé qu'il ne défendait pas un programme " socialiste ", qu'il était tout à fait envisageable, par exemple, de permettre aux capitaux privés d'entrer dans le capital de l'EDF, et que s'il était élu il mettrait en oeuvre une réforme du système des retraites, entendez par là qu'il s'attaquera à ce système, comme Juppé avait essayé de le faire en 1995.
Pour les travailleurs, cela signifie donc qu'ils n'ont pas plus à attendre d'un Jospin président de la République que d'un Chirac-bis. D'ailleurs, si Chirac et Jospin ont pu cohabiter aussi facilement depuis cinq ans, comme Mitterrand avait cohabité quatre ans avec Chirac et Balladur, c'est bien parce que les uns et les autres défendent de la même façon, avec la même vigueur et la même persévérance, les intérêts de la bourgeoisie et du patronat.
Le Parti Socialiste mène au gouvernement la même politique que la droite. Et ses alliés dits de la gauche gouvernementale, PC et Verts, qui prétendent défendre une autre politique, ne font que cautionner celle de Jospin. Robert Hue parle aujourd'hui " d'ancrer " la politique du gouvernement à gauche. Mais cela fait cinq ans qu'il est censé le faire. Sans le moindre résultat. Il dit qu'Arlette Laguiller n'est pas positive, qu'elle ne fait que dénoncer. Mais que fait donc de plus Robert Hue ? Il soutient Jospin mais ne le dénonce même pas sérieusement. A-t-il en cinq ans empêché le moindre licenciement ? Les voix communistes du premier tour, il les offre à Jospin au deuxième, en échange d'hypothétiques strapontins de ministres à tout faire.
Choisir de voter Jospin, ou pour l'un de ses alliés, pour voter contre la droite, c'est approuver par avance tout ce que la gauche gouvernementale fera contre les travailleurs, et au final baiser la main qui nous opprime.
Nous ne pourrons certes pas imposer un véritable changement de politique par ces seules élections. Mais nous pourrons au moins dire que nous ne sommes dupes ni des discours sur la " fracture sociale " des uns, ni des bonnes paroles des autres. Nous pourrons dire que nous sommes dégoûtés par la politique de ces hommes-là. Que nous sommes conscients qu'ils nous trompent et nous trahissent. Ne tolérons plus les subventions à fonds perdus aux gros capitalistes, n'acceptons plus les licenciements collectifs, à commencer dans les entreprises qui font des profits comme Lu-Danone. Imposons la création par l'Etat des emplois nécessaires au bon fonctionnement des services publics, dans les hôpitaux, les transports, l'enseignement, etc. Il faut taxer les énormes profits des grands trusts. Il faut aussi ne pas laisser à ces derniers la mainmise toute puissante qu'ils ont sur l'économie et, de ce fait, sur la vie sociale et politique du pays. Pour cela il faut l'abolition du secret bancaire, industriel et commercial, la publication de la comptabilité des grandes entreprises.
Arlette Laguiller est la seule candidate qui représente vraiment le camp des travailleurs. Elle n'a jamais tourné sa veste. Voter pour elle ce sera affirmer que le monde du travail n'est pas dupe des politiciens de la bourgeoisie, de droite ou de gauche, et qu'il vote pour lui-même. Ce sera un pas énorme pour imposer ensemble ce programme sans rien attendre des autres.