Des fonds de pension qui n'osent pas dire leur nom01/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1753.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Des fonds de pension qui n'osent pas dire leur nom

Jospin s'est déclaré pour " des fonds d'épargne salariale, épargne collective placée sous le contrôle des partenaires sociaux et qui auront vocation à être le troisième étage des retraites ".

Pour éviter de parler de " fonds de pension " - il préfère dans ce domaine laisser la parole à des hommes comme Fabius et Strauss- Kahn - Jospin parle " d'épargne volontaire à long terme ". Mais le principe en est le même. Il s'agira de confier une partie de son salaire à l'entreprise ou à des établissements financiers qui se chargeront de capitaliser cette somme en la convertissant en actions, obligations ou autres valeurs.

La seule différence formelle entre un fonds de pension et un fonds d'épargne est que la sortie s'effectue en rentes viagères pour le premier, en capital pour le second. Or, n'importe quel établissement financier sait convertir l'un en l'autre depuis fort longtemps.

Ce " troisième étage " des retraites vient en fait d'être mis en place par la loi Fabius de février 2001 sur l'épargne salariale, et commence à entrer en application dans les entreprises.

La nouveauté de ce plan Fabius est le Plan partenariat d'épargne salariale volontaire (PPESV). Le salarié fait mensuellement un versement, exonéré de cotisations sociales (sauf de CSG et du RDS) et d'impôt sur le revenu. L'entreprise peut verser un " abondement ", une somme qui peut aller jusqu'à 4600 euros (30 174 F) par an. La somme est bloquée pendant au moins dix ans. Cet abondement patronal est défiscalisé, c'est- à-dire déductible de l'impôt sur les bénéfices, et non soumis à cotisations sociales. De plus, il donne droit à la constitution d'une " provision pour investissement " en dispense d'impôt à la hauteur de 25 % de l'abondement, voire de 50 % si ces investissements se font en actions de l'entreprise.

C'est donc l'État qui prend en charge, en manque à gagner, une bonne partie de cet abondement. C'est la raison pour laquelle Fabius prévoit que la formule aura un franc succès auprès du patronat.

L'autre avantage de ce système, du point de vue des capitalistes s'entend, est de drainer ainsi vers eux l'épargne de millions de salariés.

Les dirigeants socialistes ne se cachent donc pas de leur volonté de créer des fonds de pension " à la française " susceptibles d'avoir une taille comparable aux fonds de pensions anglo-saxons. Ainsi, Dominique Strauss-Kahn explique dans son récent livre " La flamme ou la cendre " : " Toujours est-il que le choix de la (retraite par) répartition, fait il y a plus de cinquante ans, n'a pas autorisé la constitution de grands fonds d'épargne similaires à ceux qui existent dans la quasi-totalité des pays développés. La conséquence en est connue : 40 % de la capitalisation boursière est détenue par des fonds d'épargne étrangers, principalement anglo-saxons. (...) La nécessaire canalisation de l'épargne salariale est illustrée par les exemples récents d'usines brutalement fermées par des actionnaires peu soucieux du rôle de ces entreprises dans le tissu économique et social français ".

Contrairement à ce que prétend Strauss- Kahn, la nationalité française de ces fonds de pension (pardon des fonds d'épargne !) ne changerait rien à leur comportement. A ce qu'on sait, les Michelin, Riboud, et autres grands patrons français n'ont aucun scrupule à fermer des usines ou à délocaliser quand leurs bénéfices y trouvent intérêt, sans se soucier " du tissu économique et social français ".

Mais les fonds de millions de salariés ainsi drainés font saliver les requins de la finance alors que pour les salariés, au bout de dix ans ou plus, il n'y a aucune garantie de récupérer sa mise, comme vient de le prouver la faillite d'Enron aux États-Unis. Confier son épargne ou sa retraite à des fonds de pension, c'est comme les jouer au casino.

Le " troisième étage " de la fusée des retraites est mise en place. Mais, confiée aux capitalistes, cette fusée est dirigée contre la retraite des travailleurs.

Partager