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Grande-Bretagne - La privatisation du métro londonien : Des cadeaux souterrains aux actionnaires
Après une valse-hésitation qui dure depuis près de quatre ans, le gouvernement travailliste de Tony Blair s'est décidé à sauter le pas : d'ici au mois d'avril au plus tard, le métro de Londres sera privatisé. Les deux consortiums repreneurs ayant été choisis, il ne reste plus qu'à signer.
II s'agit d'une privatisation un peu particulière, en ce sens qu'elle est partielle et temporaire. Pour l'instant en tout cas. Pour une raison simple. On voit mal quel groupe privé aurait racheté un réseau qui, depuis des décennies, souffre d'un sous-investissement tel que, dans certains secteurs, les ouvriers de maintenance ont pour consigne de ne pas toucher à certains câblages décrépits de peur de provoquer une panne générale !
Le métro londonien est déjà l'un des plus chers d'Europe pour les usagers (158 euros ou un peu plus de 1000 F pour l'équivalent d'un coupon mensuel parisien trois zones), donc les possibilités d'y augmenter encore les tarifs y sont limitées.
Dans cette privatisation hybride, les deux consortiums privés reprendront chacun la gestion de l'infrastructure (stations, voies et rames) de la moitié du réseau pour une durée minimum de trente ans. En revanche, la responsabilité des services voyageurs incombera à un organisme public, Transport for London, chapeauté conjointement par la mairie de Londres et par le ministère des Transports, qui " achètera " l'usage et la maintenance des infrastructures aux deux consortiums privés grâce au revenu de la vente des billets.
Les deux consortiums s'engagent à effectuer des investissements d'un minimum de 6 milliards d'euros (40 milliards de francs) pendant les dix premières années du contrat. Moyennant quoi, l'Etat s'engage à effectuer lui aussi un investissement de l'ordre de 4,5 milliards d'euros pendant la même période.
Voilà pour la partie visible du montage. Reste la partie invisible, parce que peu avouable, que les ministres travaillistes n'ont pas réussi à cacher entièrement, malgré leur recours systématique au cache-sexe du "secret commercial".
Pour commencer, les fameux investissements des consortiums privés seront, bien sûr, réalisés au moyen d'emprunts auprès des banques et du marché financier, emprunts auxquels l'Etat a donné sa garantie. Ce qui veut dire que, si ces consortiums, formés par des compagnies richissimes mais qui n'y ont qu'une responsabilité financière très limitée, suspendaient le service de leur dette, l'Etat devrait éponger l'ardoise ! Et puis surtout, la subvention d'Etat au métro continuera. Sauf que dorénavant, elle sera calculée de façon à garantir un taux de profit minimum à ces " investisseurs " privés, quel que soit le service qu'ils délivrent.
Autant dire que ce montage n'a d'autre but que de permettre à l'Etat de payer des dividendes aux actionnaires de ces consortiums, alors que les mêmes investissements auraient pu être faits directement sur les fonds publics et à un coût financier et social sensiblement inférieur.
En plus donc d'avoir à payer pour ces dividendes avec leurs impôts et leurs billets, les usagers et les travailleurs du métro vont devoir payer la note de bien d'autres façons. Sur le plan de la sécurité, certains membres des consortiums privés n'ont rien de rassurant. Par exemple, le géant de la construction Balfour Beatty, dont les économies criminelles sur la maintenance des rails de chemin de fer a été la cause d'un déraillement qui a fait neuf morts il y a deux ans. Et qu'adviendra-t-il des stations ? Combien risquent d'être fermées parce que non " rentables " - ce qui, dans une ville aussi étendue que Londres, où la densité du métro est déjà faible, reviendrait à priver des quartiers entiers de ce moyen de transport. Quant aux salariés du métro qui tomberont sous la coupe des consortiums, il n'est pas difficile d'imaginer le sort qui les attend. Les licenciements massifs qui ont suivi la privatisation des chemins de fer sont assez récents pour ne pas avoir été oubliés.
Toutes ces raisons, depuis des années, alimentent l'opposition populaire à la privatisation du métro. Une opposition qui s'était d'ailleurs traduite, il y a deux ans, par l'élection de l'actuel maire de Londres, qui se présentait en champion du métro public face aux candidats des trois grands partis. Même l'équivalent anglais de la Cour des comptes s'est prononce contre cette privatisation.
Mais Blair était déterminé à passer outre, sans doute pour démontrer, une fois de plus, aux barons de la City de Londres, qu'en homme politique conséquent de la bourgeoisie il reste toujours prêt à sacrifier même ses intérêts électoraux de politicien à ceux du capital.