Gilly-sur-Isère (Savoie) : - Pollution à la dioxine15/02/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/02/une1751.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Gilly-sur-Isère (Savoie) : - Pollution à la dioxine

L'usine d'incinération de Gilly-sur-Isère, près d'Albertville, a été fermée le 24 octobre 2001 par arrêté préfectoral, suite à la publication d'analyses révélant des taux de dioxine anormalement élevés sur le bétail alentour. 26 communes, soit 41 000 habitants, ont été polluées par les fumées toxiques s'échappant de l'incinérateur dans un rayon de dix kilomètres. Les oeufs, le lait, le fromage, la viande ont été contaminés, et l'inquiétude est grande dans cette région productrice de viande et de fromage.

Cette usine appartient au Syndicat intercommunal mixte des déchets du secteur d'Albertville (SIMIGEDA), regroupant 50 communes (65 000 habitants) et exploité par Novergie, filiale du groupe Suez. Elle traitait 27 500 tonnes d'ordures ménagères par an. La législation ne rendait pas obligatoire le contrôle du taux de dioxine, car la capacité de l'incinérateur était inférieure à six tonnes de l'heure. Sous la pression des riverains, alarmés par un nombre selon eux anormalement élevé de cancers, des analyses ont enfin été réalisées. Une vache de Grignon, commune limitrophe de l'incinérateur, s'est retrouvée porteuse de 70 picogrammes de dioxine par gramme de matière grasse, alors que le taux à ne pas dépasser est de cinq. Cette vache s'est donc retrouvée avec le plus fort taux de dioxine jamais enregistré en France. Des prélèvements effectués ensuite dans un rayon de dix kilomètres ont montré que 180 exploitations agricoles étaient touchées : la vente du lait, de la viande, des oeufs et des fourrages a été interdite et, depuis le mois de décembre, un millier d'animaux ont été abattus. Il y en aurait encore 2700 à venir. Depuis la fin novembre, 12 000 litres de lait sont quotidiennement détruits et environ 5000 tonnes de foin pollué sont encore dans les étables.

Tous les habitants de cette région s'alarment. Des mères allaitant leur bébé ont dû faire pression pour obtenir l'analyse de leur lait : 27 picogrammes/kg/jour ont été retrouvés dans le lait d'une maman, après trois mois d'allaitement. Une enquête a révélé une augmentation inquiétante du nombre de cancers sur la commune de Grignon : 24 cas recensés dans la même rue, 72 sur la commune, pour une période de dix ans. Des dizaines d'agriculteurs éleveurs sont plongés dans la détresse de voir gâché le résultat de leur vie de travail.

La préfecture et le SIMIGEDA (présidé par le maire RPR d'Albertville, Albert Gibello) multiplient les déclarations rassurantes, affirmant que la santé de la population n'est pas menacée. Les déclarations du préfet Paul Girot de Langlade, expliquant pourquoi, lors d'un reportage télévisé, il n'avait pas réagi plus tôt, ont particulièrement choqué. A la question " Pourquoi n'avez-vous pas diligenté des analyses de dioxine ? ", il a répondu : "Parce que cela coûte 4000 F par analyse et qu'elles ne sont pas obligatoires pour ce genre d'usines. Alors j'ai déjà assez de dossiers à m'occuper, sans aller en rajouter sur des choses qui ne s'imposaient pas du tout. La législation ne demandait pas d'analyses de dioxine sur le terrain pour ce genre d'usines, et elle ne le demande toujours pas, d'ailleurs".

Des riverains se sont invités à la réunion de crise du SIMIGEDA pour crier leur colère. Certains se sont constitués en une association dénommée ACALP (association citoyenne active de lutte contre les pollutions), dont l'assemblée générale a regroupé, samedi 2 février, environ 300 personnes.

L'une des principales préoccupations de la population est de connaître les dangers auxquels elle a été exposée depuis des années. Les réponses sont contradictoires, ce qui est loin de faire taire leurs interrogations légitimes. Aujourd'hui, en France, il existe 42 incinérateurs, recensés par le ministère de l'Environnement, du type de celui de Gilly-sur-Isère, fonctionnant sans surveillance et au mépris des normes de sécurité.

Ce qui est sûr, c'est que les proches de ces incinérateurs ne doivent compter que sur eux-mêmes pour exiger d'en savoir plus sur les dangers que les rejets de dioxine dans l'atmosphère leur font courir et, le cas échéant, imposer la fermeture de ces sites dangereux.

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