Faire entendre les voix du monde du travail15/02/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/02/une1751.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Faire entendre les voix du monde du travail

Même si Chirac n'a fait officiellement acte de candidature que le 11 février, même si Jospin n'est toujours, selon ses dires, qu'un candidat " probable ", la campagne pour l'élection présidentielle est commencée depuis longtemps. Pourtant, d'après un récent sondage, plus de 60 % des Français se désintéresseraient de cette campagne. Ce n'est d'ailleurs, en un sens, pas très étonnant, car à en juger par le passé, qui parle plus pour l'avenir que tous les discours électoraux, on ne voit pas ce qui distingue la politique des candidats que l'on nous dit susceptibles d'accéder à l'Elysée, même si l'un se dit de gauche et l'autre de droite.

Chirac a succédé à Mitterrand, Jospin à Juppé, mais y avons-nous vu une différence ?

Le bilan du gouvernement de la gauche gouvernementale est catastrophique pour la population laborieuse. D'après les statistiques officielles, plus de 4,5 millions de personnes vivent en France en dessous de ce que l'INSEE appelle le " seuil de pauvreté ", correspondant à un revenu de 564 euros (3 700 F) pour un célibataire, de 1184 eu ros (7 770 F) pour un couple avec deux enfants. Et parmi ceux-ci, il n'y a pas que des chômeurs. Un tiers d'entre eux sont des travailleurs qui, du fait de la précarité de l'emploi, du temps partiel imposé, ont des ressources bien inférieures au SMIC.

Par contre, tout va bien pour les nantis. Les PDG des grandes entreprises ont vu leur rémunération augmenter de 36 % au cours de la dernière année. Ce qui en dit long sur les revenus des grands bourgeois dont ils gèrent les intérêts.

Que vaut, en face de ces chiffres, l'auto-satisfaction de Jospin sur l'évolution des chiffres du chômage (qui remontent depuis près d'un an) ou sur la loi sur les 35 heures (qui n'aurait pas suscité tant de conflits sociaux si elle avait vraiment été favorable aux travailleurs !). En fait, Jospin a continué la politique de Balladur et de Juppé, et rien de ce qu'a décidé Jospin n'était contraire à ce qu'aurait pu faire la droite... sauf peut-être la mise en place du PACS, qui ne coûtait rien à la bourgeoisie, et n'était pas plus radicale que la loi Veil de 1975, légalisant sous Giscard l'interruption volontaire de grossesse.

La candidature de Chevènement illustre parfaitement qu'entre la gauche gouvernementale et la droite, c'est pour l'essen tiel " bonnet blanc et blanc bonnet ", puisque celui qui fut ministre de trois gouvernements " socialistes " n'est pas gêné de recevoir aujourd'hui le soutien de réactionnaires aussi avérés que De Villiers.

Il est donc parfaitement compréhensible que beaucoup de travailleurs n'aient aucune envie de choisir entre ces trois-là, et qu'ils n'aient pas non plus envie d'aller voter pour Hue, ou pour Mamère, qui jouent aujourd'hui les opposants, pour faire oublier que leurs partis participent depuis cinq ans au gouvernement et en sont solidaires.

Pourtant, le monde du travail peut se saisir de ces élections pour dire que cela suffit.

Il y a dans ce pays cinq millions d'ouvriers, autant d'employés, sans compter les techniciens, les infirmières et les aides-soignants, les enseignants, etc. C'est dire que les travailleurs constituent la grande majorité de la population active de ce pays. Sans eux, la machine économique ne pourrait pas tourner. Et si ce sont d'autres qui en récoltent les fruits, si les conditions de vie des travailleurs ont reculé sans avoir entraîné jusqu'ici de réactions de leur part, c'est parce qu'en menant la même politique que la droite, la gauche gouvernementale a désorienté les classes laborieuses.

Mais il est justement temps que celles-ci se fassent entendre, montrent que cela a assez duré. C'est le sens de la candidature d'Arlette Laguiller. Elle ne sera certes pas élue, mais ce n'est pas cela le problème. Il faut que le monde du travail donne de la voix.

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