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Dans le monde
Etats-Unis : La faillite d'Enron c'est la faillite du système
Ex-septième plus grande compagnie américaine, spécialisée dans le négoce de l'électricité, Enron est devenue la faillite la plus spectaculaire des Etats-Unis. A travers cette faillite, on en sait de plus en plus sur le fonctionnement de cette société à l'image de celui de la société entière.
Nombre de dirigeants d'Enron, et son PDG Kenneth Lay n'est pas le dernier, essayent depuis la faillite de leur société de tirer leur épingle du jeu. Ils expliquent qu'ils n'étaient pas au courant : " Que voulez- vous, prétendent-ils, dans une grande entreprise comme Enron, on ne peut pas tout savoir ".
C'est ce qu'ils disent maintenant. Mais l'entreprise leur a été profitable jusqu'au bout. Car ces mêmes hauts cadres prétendument pas au courant ont profité de la dernière opération spéculative lancée en interne par le groupe dirigeant, spéculation qui a, dans une large mesure, précipité la chute des actions et la découverte de la vérité. L'un d'entre eux a empoché un million de dollars pour une mise de 5 800 dollars, nous apprend l'enquête.
Enron avait connu ces dernières années une valorisation de ses titres extrêmement rapide. Derrière cette envolée boursière, il y avait toute une politique de pression sur l'appareil d'Etat américain.
Les tenants du capitalisme ultra-libéral prétendent qu'ils se passent de l'Etat. Mais la réalité est tout autre. Aux Etats-Unis, comme ailleurs, les grands groupes capitalistes ont besoin que l'Etat et les collectivités locales leur donnent un coup de pouce.
Ainsi, entre 1997 et 2000, le groupe Enron a fait pression sur 24 Etats américains pour obtenir que le marché de l'électricité y soit dérégulé.
Et, pour aboutir, Enron ne regardait pas à la dépense. Exactement comme cela se pratique dans tout le monde capitaliste, pour acheter les politiciens, Enron a dépensé un montant de près de deux millions de dollars qui ont été distribués à quelque 700 candidats aux élections dans 28 Etats.
Rien que pour les élections de l'année 2000, Enron a distribué plus d'un million de dollars, le montant des sommes perçues par les politiciens pouvant varier selon la taille des villes et des mandats en jeu. Parmi les politiciens les plus copieusement arrosés, on compte des gouverneurs d'Etat importants : la Californie, le Texas et New York.
Et - coïncidence - cette politique d'influence a permis que dans 24 Etats soient adoptées des mesures de dérégulation de l'énergie.
Les porte-parole d'Enron aujourd'hui encore restent fiers de cette politique : " Nous avons aidé à ouvrir de nouveaux marchés. Il fallait le faire et il serait nécessaire de continuer de le faire ".
Cette dérégulation à outrance, qui a entraîné la spéculation sur le prix de l'électricité et avec au bout la faillite d'Enron, ne leur pose aucun problème. Les problèmes, ils les laissent aux milliers d'employés d'Enron qui ont perdu leur emploi et l'argent de leur retraite dans cette affaire.
Tandis que Bush est parti en tournée électorale, avec des accents va-t-en-guerre pour faire oublier que lui et sa famille sont mouillés jusqu'au cou dans le scandale Enron (les Bush, père et fils, ont profité de la générosité marquée du PDG d'Enron pour les candidats républicains à la présidence des Etats-Unis), les politiciens démocrates et républicains font mine de chercher une solution pour qu'il n'y ait plus de telles faillites.
Ils aimeraient, par exemple, que les sociétés d'audit chargés de certifier la situation d'une entreprise ne soit pas sous sa complète dépendance comme Arthur Andersen l'était vis-à-vis d'Enron.
Il leur faut aussi faire face à l'inquiétude de quelque 42 millions d'Américains qui craignent que leur plan de pension puisse se vider d'un seul coup d'un seul parce que les entreprises qui les gèrent plongent dans la faillite.
Le risque est d'autant plus grand que bien des entreprises alimentent leur fonds de pension avec des actions émises par elles-mêmes. En théorie, c'est une façon pour elles de s'attacher leurs employés mais en pratique ce sont les employés qui courent le plus de risques.
Les employés d'Enron ont été particulièrement choqués par le fait qu'alors que leur employeur était en train de brader les actions, il leur était interdit de se débarrasser des leurs parce que le fonds de pension dans lequel ils avaient investi leur imposait un système de compte bloqué.
Bush est monté au créneau pour proposer quelques aménagements pour tenter de ramener la confiance dans le système des fonds de pension par capitalisation, un système que les politiciens d'ici aimeraient nous voir adopter, et dont on a pu vérifier la nocivité pour les salariés.
La meilleure protection pour les travailleurs américains serait qu'ils cessent d'avoir confiance dans le système capitaliste dont ils ont été les victimes.