Transports routiers en Europe : Une organisation aberrante de l'économie01/02/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/02/une-1749.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Transports routiers en Europe : Une organisation aberrante de l'économie

En quinze ans, le transport routier a plus que doublé en France. En Europe de l'Ouest, depuis trente ans, on a construit mille kilomètres d'autoroutes par an, qui absorbent à peine ce trafic. Et il croît parfois dans des proportions énormes - avec les conséquences que l'on sait - comme dans les Alpes, où le nombre des poids lourds transitant par le tunnel du Mont-Blanc a été multiplié par 18 depuis 1966, passant de 45 000 à 800 000 camions par an.

Les autorités et les commentateurs, quand ils abordent ces questions, le font généralement sous l'angle de la pollution (ce que personne ne conteste) ou de la sécurité (ce qui n'a rien d'étonnant, vu le rôle des poids lourds dans les drames des tunnels du Mont-Blanc et du Gothard ou de plusieurs hécatombes autoroutières). Mais jamais, ou pratiquement jamais, n'est posée la question des raisons de cette explosion du trafic routier.

En 1993, un institut de Wuppertal, en Allemagne, avait calculé que les divers ingrédients d'un yaourt aux fraises avaient parcouru un total de... 3 500 km avant de se trouver réunis dans leur petit pot ! Evidemment, quand on sait que la plus grande usine de yaourts d'Europe se trouve... en Grèce. Ce pays ne produit pas assez de lait pour sa propre consommation, on doit donc le faire venir d'Europe du Nord ou de l'Ouest, l'alimenter par une noria de camions-citernes réfrigérés, avant de faire faire le trajet inverse au produit semi-fini. Même chose pour ces entreprises allemandes qui font franchir les Alpes bavaroises et le Tyrol à des camions afin d'envoyer laver, découper et emballer leurs pommes de terre à moindre coût en Italie, avant de les faire revenir vers les supermarchés d'Europe du Nord.

Car, si des grands groupes (de l'agroalimentaire ou autre) ont intérêt à faire fabriquer dans des pays à moindre coût de main-d'oeuvre, c'est ailleurs que se trouvent les marchés les plus " porteurs " pour eux, là où les consommateurs ont un pouvoir d'achat plus élevé. Mais pour que cette opération soit profitable aux actionnaires de ces trusts, il ne faut pas qu'ils perdent en transport ce qu'ils ont gagné sur les coûts de production moindres. Alors, ce sont aussi les conditions de travail et de rémunération des routiers que les grosses sociétés tentent de réduire au minimum.

Et quand, par exception, des tribunaux sont saisis de telles affaires, ce ne sont jamais les donneurs d'ordre - les grand groupes - qui sont condamnés. Que leur reprocheraient-ils d'ailleurs ? Sûrement pas d'avoir agi comme n'importe quel capitaliste qui recherche son profit maximum...

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