Porto Alegre : Un anti-mondialisme qui n'engage à rien01/02/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/02/une-1749.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Porto Alegre : Un anti-mondialisme qui n'engage à rien

On va beaucoup parler de Porto Alegre, capitale d'un des Etats du sud du Brésil. Le 28 janvier, s'est ouvert le deuxième " Forum social mondial ". On y rencontre, outre des participants venus de tous les continents - membres d'associations tiers-mondistes, humanitaires, les variantes multiples des " anti-mondialistes "... - de nombreux hommes politiques de pays riches qui s'y rendent dans l'espoir d'y croiser quelques caméras.

Par exemple, dans le quotidien Aujourd'hui du 29 janvier, le maire de Paris, Delanoë, faisait savoir qu'il y avait rencontré le maire de Porto Alegre, Genro. Pour Delanoë, comme pour d'autres, c'est l'occasion de montrer qu'il se préoccupe du social en s'affichant au côté du maire de Porto Alegre, présenté comme gauchiste, lequel rechercherait, lui, selon Le Monde, " une caution social-démocrate " à la veille des élections brésiliennes. Genro et Delanoë ont donc obtenu ce qu'ils cherchaient.

Après quoi, le maire de Paris est parti aux USA retrouver Jean-Marie Messier, le PDG de Vivendi venu assister au " Forum économique mondial ", qui se tient cette année non à Davos mais à New York et qui regroupe le gratin du monde de la politique et des affaires des grandes puissances.

Pendant que les " décideurs " du monde capitaliste discourent, d'autres, leurs porte-parole, vont assister à la grand-messe... de Porto Alegre. Pendant que Fabius allait discuter de choses sérieuses à New York, Jospin a envoyé six autres de ses ministres au Brésil, le quart du gouvernement, et Hollande, premier secrétaire du Parti Socialiste : le candidat Jospin pourra toujours en faire état devant des électeurs qui se laisseraient abuser.

D'autant que le pélerinage de Porto Alegre n'engage à rien. Chirac le sait bien, puisqu'il y a délégué, lui aussi, plusieurs de ses représentants, RPR et UDF confondus. Pour ne rien dire d'autres politiciens tel Chevènement, qui y assiste pour la seconde fois. Cela, sans que son passé récent de ministre de l'Intérieur ayant fait la chasse aux sans-papiers ou son nationalisme gênent les organisateurs de Porto Alegre. L'an passé, il défilait au premier rang avec le maire de la ville, invité au Forum par un de ses amis et collaborateurs, Bernard Cassen, le président d'ATTAC, qui vient de réunir 6 000 personnes, au Zénith à Paris, autour du thème de l'" anti-mondialisation ".

Les propos qu'y a tenus Cassen en évoquant Porto Alegre illustrent la démarche d'Attac : " Notre combat (...) ne vise rien moins qu'à combattre et à chasser le virus libéral qui infecte les esprits depuis si longtemps ", cela n'a pas de quoi inquiéter ni Jospin ni Chirac et encore moins Messier.

Car, ni ici, ni au Brésil, ni ailleurs, ce ne sont des " virus " et encore moins de " purs " esprits qui sont responsables des licenciements, de la pauvreté des " sans-terre " d'Amérique latine.

Certes, il y a, parmi ceux qui se rendent à Porto Alegre, ou qui y sont de coeur, nombre de jeunes qui sont choqués, révoltés, comme nous le sommes nous-mêmes, par le gâchis dont est responsable le capitalisme à l'échelle de la planète et dans chacun des pays qui la composent. C'est sans doute pour eux une manière de protester. Ils ne parlent et ne pensent pas tous comme Cassen, et encore moins comme Hascoët, Mamère, Jospin et Chirac. Mais ce sont ces derniers qui ont la parole, qui donnent le ton, et qui peuvent ainsi dévoyer les aspirations de cette jeunesse.

La cause de la catastrophe économique, sociale, politique et écologique que vit la planète, ce n'est pas tant la mondialisation, terme qui sert pour les politiciens à masquer la division de la société en deux classes, celle des exploités et celle de leurs exploiteurs. C'est la société d'exploitation. Ce sont les exploiteurs, qui d'ailleurs ne sont pas qu'au Brésil ou qu'aux Etats-Unis. Ils sont ici, chez nous, avec eux aussi des tentacules mondiales. Les Michelin et compagnie ne sont pas mieux que les autres. Mais ils sont à notre portée. C'est eux qui licencient à l'Alstom, à Belfort, ou chez Alcatel. C'est eux qui imposent les bas salaires. C'est Total qui fait exploser des usines ou cause des catastrophes écologiques par son appétit de profits.

Ce qui contribue à escamoter les responsabilités de nos exploiteurs n'aide pas à préparer les luttes du monde ouvrier pour en finir avec le capitalisme. Et au lieu de cela, détourner sur le terrain d'un anti-mondialisme abstrait, sinon nationaliste à la Chevènement, ceux qui voudraient sincèrement s'attaquer aux racines du mal, ce n'est pas, à notre sens, la bonne voie.

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